26mars 2020

Application au régime des autorisations d’urbanisme de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette période

Bien que l’ordonnance relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire parue le 26 mars 2020 au journal officiel ne vise pas spécifiquement pas le code de l’urbanisme, son champ d’application dédié « à la matière administrative » implique une conception extensive dont relèvent également les décisions prises en matière d’autorisation du droit des sols.

La lecture de cette ordonnance est donc l’occasion de s’interroger sur la prorogation des délais en matière d’instruction des demandes d’autorisation urbanisme, mais également sur les délais propres ouverts à l’administration en réponse à un recours administratif contre une décision relevant de l’urbanisme.

A titre liminaire, il convient de préciser que cette ordonnance est strictement applicable, à l’article 1er, aux « délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 22 mars 2020 susvisée ».

L’ordonnance relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence prévoit une période spéciale qui court du 12 mars 2020 à l’expiration d’un délai d’un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire fixée au 24 mai 2020, soit jusqu’au 24 juin 2020.

Pendant cette période, l’ordonnance apporte des réponses sur l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme.

En premier lieu, les dispositions de l’article 7 de l’ordonnance précisent que :

« les délais à l’issue desquels une décision, un accord ou un avis de l’un des organismes ou personnes mentionnés à l’article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu’à la fin de la période mentionnée au I de l’article 1er  

Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l’article 1er est reporté jusqu’à l’achèvement de celle-ci.Les mêmes règles s’appliquent aux délais impartis aux mêmes organismes ou personnes pour vérifier le caractère complet d’un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l’instruction d’une demande ainsi qu’aux délais prévus pour la consultation ou la participation du public ».

 

Plusieurs hypothèses sont envisageables :

Hypothèse 1 : La demande de permis ou la demande de déclaration préalable a été déposée avant le 12 mars 2020 et son délai d’instruction n’est pas expiré à cette date.

Le texte prévoit une suspension du délai légal de traitement des autorisations d’urbanisme. Ainsi, l’inactivité du service instructeur ne génèrera pas, au cours de cette période, une décision implicite de la commune. Le délai d’instruction reprendra son cours un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, c’est-à-dire après le 24 juin 2020.

! ATTENTION : la suspension du délai d’instruction ne remet pas le compteur à zéro. Le temps écoulé avant le 12 mars ne sera pas perdu et sera additionné au temps qui recommencera à courir un mois après la déclaration de la fin de l’état d’urgence sanitaire.

Cette même règle s’applique également en cas de dossier incomplet : le délai pour demander des pièces complémentaires (qui est en principe d’un mois à compter de la réception de la demande de permis) est également suspendu à compter du 12 mars 2020.

Ajoutons également que l’article 8 applique le mécanisme aux délais impartis à l’administration pour effectuer des contrôles de conformité des constructions : « Lorsqu’ils n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020, les délais imposés par l’administration, conformément à la loi et au règlement, à toute personne pour réaliser des contrôles et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature sont, à cette date, suspendus jusqu’à la fin de la période mentionnée au I de l’article 1er, sauf lorsqu’ils résultent d’une décision de justice ».

Par suite, pour les déclarations « DAACT » intervenues avant le 12 mars 2020 et non expirées à cette date, les délais de 3 et 5 mois pour effectuer les opérations de récolement sont suspendus jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire majorée d’un mois (c’est-à-dire le 24 juin 2020).

Hypothèse 2 : La demande de permis ou la demande de déclaration préalable est déposée à compter du 12 mars 2020.

Le texte (alinéa 2 de l’article 7) prévoit un report du délai d’instruction qui commencera à courir à compter de l’achèvement de la période de la fin de l’état d’urgence sanitaire.

Autrement dit, l’examen des dossiers déposés depuis le 12 mars 2020 est reporté puisque le délai d’instruction de ces demandes (qui inclut la demande de pièces complémentaires et la consultation des services extérieurs) ne commencera à courir qu’un mois après la déclaration de la fin de l’état d’urgence sanitaire, c’est-à-dire après le 24 juin 2020.

Ajoutons que l’article 8 applique le mécanisme aux délais impartis à l’administration pour effectuer des contrôles de conformité des constructions dont les dépôts de déclarations « DAACT » sont intervenus à compter du 12 mars : le point de départ des délais de 3 à 5 mois sont reportés et ne commenceront à courir qu’un mois après la déclaration de la fin de l’état d’urgence sanitaire, c’est-à-dire après le 24 juin 2020.

 

En deuxième lieu, les dispositions de l’article 8 de l’ordonnance encadre le sort des autorisations d’urbanisme en cours de validité et dont la péremption intervient pendant la période de l’état d’urgence sanitaire : « Lorsqu’ils n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020, les délais imposés par l’administration, conformément à la loi et au règlement, à toute personne pour réaliser des contrôles et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature sont, à cette date, suspendus jusqu’à la fin de la période mentionnée au I de l’article 1er, sauf lorsqu’ils résultent d’une décision de justice.
Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l’article 1er est reporté jusqu’à l’achèvement de celle-ci.

En pratique, dans l’hypothèse d’une autorisation d’urbanisme qui serait périmée le 15 avril 2020 (faute de démarrage par exemple des travaux dans le délai de validité de l’autorisation), le délai de validité de l’autorisation d’urbanisme est suspendu à compter du 13 mars et recommencera à courir à compter de la fin de la période spéciale.

En troisième lieu, les dispositions de l’article 7 de l’ordonnance s’appliquent également aux décisions de l’administration en réponse à un recours gracieux formé contre une autorisation d’urbanisme.

En pratique, pour les recours gracieux introduit avant le 12 mars 2020 et dont une réponse implicite ou expresse est susceptible d’intervenir avant la fin de la période de l’état d’urgence sanitaire, le délai de réponse de l’administration est suspendu et recommencera à courir un mois après la déclaration de la fin de l’état d’urgence sanitaire, c’est-à-dire après le 24 juin 2020.

! ATTENTION : la suspension du délai ne remet pas le compteur à zéro.

En revanche, pour les recours gracieux réceptionnés après le 12 mars 2020, le point de départ du délai de deux mois au terme duquel une décision implicite de rejet de l’administration est susceptible d’intervenir est reporté au 24 juin 2020 : une décision en réponse au recours gracieux pourra donc être formée dans un délai de deux mois suivant le 24 juin 2020.

De leur côté, les requérants souhaitant exercer un recours contentieux contre une décision relevant de l’urbanisme disposeront d’un délai supplémentaire.

Sur ce point, l’article 2 de l’ordonnance précise notamment que tout recours qui aurait dû être introduit pendant la période spéciale sera réputé avoir été fait à temps si le recours contentieux est formé dans un délai de deux mois à compter de la fin de cette période.

Cabinet Coudray Publié le 26/03/2020 dans # Veille juridique