7juillet 2022

Par une décision du 25 avril 2022, la cour administrative d’appel de Marseille a décidé d’appliquer la jurisprudence Czabaj au recours dit « Tarn-et-Garonne » ouvert aux tiers lésés par un contrat administratif pour en contester la validité.

Pour rappel, dans sa décision Czabaj (CE, ass., 13 juil. 2016, n° 387763), le Conseil d’État a limité la contestation d’une décision administrative par la voie de l’excès de pouvoir dans un délai raisonnable d’un an. En effet, antérieurement, si elle ne mentionnait pas les voies et délais de recours, elle pouvait être indéfiniment contestée du fait de l’inopposabilité du délai contentieux de deux mois.

Ce délai de forclusion, commandé par le principe de sécurité juridique, a ensuite été étendu à d’autres contentieux, notamment en matière de titres exécutoires (CE, 9 mars 2018, n° 401386), aux autorisations d’urbanisme (CE, 9 nov. 2018, n°499872), aux décisions implicites de rejet relevant du plein contentieux (CE, 3 juin 2020, n° 428222) ou encore pour les recours en excès de pouvoir exercés contre les décisions non règlementaires (CE, 25 sept. 2020, n° 430945).

En l’espèce, un concurrent s’estimant irrégulièrement évincé a demandé l’annulation d’un marché public à bons de commande ayant pour objet la fourniture d’heures de vol d’aéronef pour assurer des essais de matériel et l’entraînement des forces de la Marine nationale. Le pouvoir adjudicateur se prévalant de la tardivité de la requête, la question du délai de recours applicable s’est posée.

La solution retenue par les juges s’inscrit dans un mouvement jurisprudentiel visant à étendre l’application de la jurisprudence Czabaj en matière contractuelle. A titre d’illustrations, la cour administrative d’appel de Paris l’a appliqué à une demande indemnitaire due à l’illégalité d’une passation de délégation de service public (CAA Paris, 9 avril 2021, n° 19PA01935). Celle de Lyon, en revanche, a décidé de ne pas l’appliquer aux litiges relatifs au règlement financier d’un marché (CAA Lyon, 7 oct. 2021, n° 21LY00022). Celle de Marseille, enfin, vient d’admettre son application au recours en contestation de la validité d’un contrat administratif par un concurrent évincé.

De manière inédite, cette décision vient renforcer la sécurité juridique des contrats administratifs, au détriment de la possibilité pour les tiers de les contester dans le temps. Toutefois cette décision est rendue en matière de marché public de défense, lesquels sont soumis à un régime juridique spécial.

Une confirmation du Conseil d’État est attendue sur le point de savoir si cette solution est applicable à l’ensemble des marchés publics et même plus généralement à l’ensemble des contrats publics.

 

Le texte de la décision : CAA Marseille, 25 avril 2022, n° 19MA05387

 

Cabinet Coudray
Jean-Éric CORILLION
Publié le 07/07/2022 dans # Veille juridique