27avril 2020

Dans un contexte particulièrement sensible, marqué par des arrêts de chantiers, l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 complétée par l’ordonnance n°2020-460 du 22 avril 2020 apportent chacune des modifications à l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire.

Si leur champ d’application est large, intéressons-nous au régime applicable aux autorisations d’urbanisme.

L’article 8 de l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020, complété par l’article 23 de l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020, ajoute un nouvel article 12 ter à l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 rédigé comme suit :

« Art. 12 ter. – Sans préjudice de la faculté de prévoir, pour les mêmes motifs que ceux énoncés à l’article 9, une reprise des délais par décret, les délais d’instruction des demandes d’autorisation et de certificats d’urbanisme et des déclarations préalables prévus par le livre IV du code de l’urbanisme ainsi que les procédures de récolement prévues à l’article L. 462-2 du même code, qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus. Ils reprennent leur cours à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée.

Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l’urgence sanitaire est reporté à l’achèvement de celle-ci.

Les mêmes règles s’appliquent aux délais impartis aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics, aux services, autorités ou commissions, pour émettre un avis ou donner un accord dans le cadre de l’instruction d’une demande ou d’une déclaration mentionnée à l’alinéa précédent.

Les dispositions du présent article s’appliquent également aux demandes d’autorisation de division prévues par le livre Ier du code de la construction et de l’habitation ainsi qu’aux demandes d’autorisation d’ouverture, de réouverture, d’occupation et de travaux concernant des établissements recevant du public et des immeubles de moyenne ou de grande hauteur prévues par le même livre, lorsque ces opérations ou travaux ne requièrent pas d’autorisation d’urbanisme. ».

Premier enseignement, cette disposition est applicable à l’ensemble des autorisations d’urbanisme mais également aux certificats d’urbanisme et aux procédures de récolement.

Cette disposition est également applicable depuis l’ordonnance du 22 avril 2020 aux autorisations de travaux, aux autorisations d’ouverture et d’occupation prises en application du livre Ier du code de la construction et de l’habitation et sanctionnant les règles de sécurité incendie et d’accessibilité des établissements recevant du public (ERP) et des immeubles de grande hauteur (IGH), ainsi qu’aux autorisations de division d’immeubles.

En revanche, les autres procédures d’urbanisme restent régies par l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, situations qui recouvrent notamment les procédures d’élaboration et d’évolution des documents d’urbanisme ainsi que les délais de validité des autorisations d’urbanisme.

Il convient d’ajouter que l’ordonnance du 22 avril 2020 prévoit dorénavant qu’une reprise des délais d’instruction des demandes d’autorisation et de certificats d’urbanisme peut être prévue par décret « pour les mêmes motifs que ceux énoncés à l’article 9 » de l’ordonnance n° 2020-306, c’est-à-dire pour des motifs de protection des intérêts fondamentaux de la Nation, de sécurité, de protection de la santé, de la salubrité publique, de sauvegarde de l’emploi et de l’activité, de préservation de l’environnement… L’ordonnance apporte dès lors la possibilité pour le pouvoir réglementaire de ne pas suspendre les délais d’instruction dans certaines hypothèses. Ainsi, il n’est pas exclu que les délais d’instruction soient de nouveau modifiés par voie réglementaire.

Deuxième enseignement, bien que l’ordonnance vise les « délais d’instruction », la terminologie employée s’entend, à notre sens, comme s’appliquant à toutes les formalités d’instruction, y compris la demande de pièces manquantes formulée par l’administration.

Sur ce point, l’incertitude s’explique par le fait que le dispositif de demande de pièces complémentaires figure dans un article R.423-38 du code de l’urbanisme lequel est distinct de la section IV du code de l’urbanisme intitulée « délais d’instruction ».

Troisième enseignement, l’article 12 ter a pour conséquence de raccourcir la suspension des délais pour les demandes d’autorisations d’urbanisme à la seule période de l’état d’urgence.

Désormais, plusieurs hypothèses sont envisageables :

 

Hypothèse 1 : La demande a été déposée avant le 12 mars 2020 et son délai d’instruction n’est pas expiré à cette date.

Le texte prévoit une suspension du délai légal d’instruction de la demande.

Ainsi, l’inactivité du service instructeur ne génèrera pas, au cours de cette période, une décision implicite de la commune.

Les textes n’interdissent toutefois pas à la collectivité d’être actif et de prendre une décision explicite.

Le délai d’instruction reprendra son cours à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, c’est-à-dire le 24 mai 2020.

Par rapport à l’ordonnance du 25 mars 2020, le délai d’instruction est donc raccourci d’un mois.

 

! ATTENTION : la suspension du délai d’instruction ne remet pas le compteur à zéro. Le temps écoulé avant le 12 mars ne sera pas perdu et sera additionné au temps qui recommencera à courir après la déclaration de la fin de l’état d’urgence sanitaire.

 

Hypothèse 2 : La demande est déposée à compter du 12 mars 2020.

Le texte prévoit un report du délai d’instruction qui commencera à courir à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, c’est-à-dire le 24 mai 2020.

Autrement dit, l’examen des dossiers déposés depuis le 12 mars 2020 est reporté puisque le délai d’instruction de ces demandes ne commencera à courir qu’à partir de la déclaration de la fin de l’état d’urgence sanitaire, c’est-à-dire après le 24 mai 2020.

Les textes n’interdissent également pas à la collectivité saisie à compter du 12 mars 2020 d’être actif et de prendre une décision explicite.

  • S’agissant du délai de recours

L’article 8 de l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 ajoute un nouvel article 12 bis à l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 selon lequel :

« Art. 12 bis. – Les délais applicables aux recours et aux déférés préfectoraux à l’encontre d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir, qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus. Ils recommencent à courir à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée pour la durée restant à courir le 12 mars 2020, sans que cette durée puisse être inférieure à sept jours.
Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir durant la période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l’urgence sanitaire est reporté à l’achèvement de celle-ci
 ».

 

Cette disposition ne concerne que les délais de recours concernant une décision de non-opposition à une déclaration préalable, un permis de construire, d’aménager ou de démolir.

Les recours contre les procédures d’élaboration ou d’évolution des documents d’urbanisme ne sont pas concernés par ces mesures.

A ce titre, le texte n’interdit pas au tiers de former un recours gracieux, dans les nouveaux délais définis par l’ordonnance, préalablement à un recours contentieux.

A l’instar des délais d’instruction, plusieurs hypothèses sont envisageables.

 

Hypothèse 1 : Le délai de recours a commencé à courir avant le 12 mars 2020 et n’a pas expiré à cette date.

 Le texte prévoit une suspension du délai de recours du 12 mars 2020 au 24 mai 2020.

Ce délai n’est plus « prorogé » intégralement comme dans le mécanisme initial de l’ordonnance du 25 mars 2020.

Le délai de recours recommencera à courir à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, c’est-à-dire le 24 mai 2020, pour le nombre de jours qui restait à courir avant sa suspension.

Cependant, si le délai de recours restant à courir à la date du 12 mars est inférieur à 7 jours, il recommencera à courir à compter du 24 mai pour un délai minimum 7 jours. Autrement dit, aucun délai de recours ouvert à la date du 12 mars 2020 ne peut expirer avant le 30 mai 2020.

 

Hypothèse 2 : Le délai de recours commence à courir à compter du 12 mars 2020

Le texte prévoit un report du délai de recours qui commencera à courir à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, c’est-à-dire le 24 mai 2020.

Antérieurement, le report s’opérait un mois après la date de fin de l’état d’urgence, soit le 24 juin 2020.

Ainsi, s’agissant d’un recours formé dans le délai de 2 mois concernant une autorisation d’urbanisme dont l’affichage a été réalisé sur le terrain après le 12 mars 2020, le délai de recours commencera à courir à partir du 24 mai 2020 et s’achèvera le 25 juillet 2020.

Cabinet Coudray Publié le 27/04/2020 dans # Veille juridique