31janvier 2019

La CJUE apporte des précisions dans un arrêt du 8 novembre 2018

Dans le cadre d’un litige opposant des personnes privées à l’agence d’aménagement du territoire d’Irlande au sujet de l’autorisation d’un projet d’aménagement relatif à l’extension du périphérique nord de la ville de Kilkenny, la CJUE répond aux questions préjudicielles posées par la Haute Cour d’Irlande notamment sur la notion de “solution principale de substitution” et le niveau d’information à fournir.

Questions de la High Court : 

5)      Une option que le maître d’ouvrage a envisagée et examinée dans l’évaluation des incidences sur l’environnement et/ou qui a été préconisée par certaines parties intéressées, et/ou qui a été envisagée par l’autorité compétente, constitue-t-elle une “solution principale de substitution”, au sens de l’article 5, paragraphe 3, sous d), de la directive [EIE], telle que modifiée, même si cette option a été rejetée à un stade précoce ?

6)      En vertu de la directive [EIE], telle que modifiée, l’évaluation des incidences sur l’environnement doit-elle contenir suffisamment d’informations sur les incidences environnementales de chaque alternative pour permettre une comparaison entre les avantages environnementaux des différentes alternatives et/ou la déclaration d’incidences sur l’environnement doit-elle indiquer explicitement de quelle manière les incidences environnementales des alternatives ont été prises en compte ?

7)      L’exigence visée à l’article 5, paragraphe 3, sous d), de la directive [EIE], telle que modifiée, imposant que les raisons du choix opéré par le maître d’ouvrage soient déterminées “eu égard aux incidences sur l’environnement”, s’applique-t-elle uniquement à l’option retenue ou également aux principales solutions de substitution envisagées, de telle sorte qu’une analyse de ces options est nécessaire aux fins d’examiner leurs incidences sur l’environnement ?”

Réponses de la CJUE Sur les cinquième à septième questions

60      Par ses cinquième à septième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, paragraphe 3, sous d), de la directive EIE doit être interprété en ce sens que le maître d’ouvrage doit fournir des informations relatives aux incidences environnementales tant de la solution retenue que de chacune des principales solutions de substitution examinées par celui-ci ainsi que les raisons de son choix au regard de leurs incidences sur l’environnement, même en cas de rejet à un stade précoce d’une telle solution de substitution.

61      Aux termes de son article 3, la directive EIE a notamment pour objectif que les incidences de projets sur l’environnement soient identifiées, décrites et évaluées.

62      À cet égard, l’article 5 de la directive EIE établit une liste des informations, spécifiées à l’annexe IV, que le maître d’ouvrage fournit sous une forme appropriée aux autorités compétentes, afin de leur  permettre de procéder à l’évaluation des incidences sur l’environnement du projet qu’il présente.

63      En particulier, l’article 5, paragraphe 3, sous d), de la directive EIE précise que le maître d’ouvrage doit au moins fournir « une esquisse des principales solutions de substitution qui ont été examinées par [celui-ci] et une indication des principales raisons de son choix, eu égard aux incidences sur l’environnement ».

64      Il résulte explicitement du libellé de cet énoncé qu’il incombe au maître d’ouvrage de fournir aux autorités compétentes une esquisse des principales solutions de substitution qui ont été examinées par celui-ci ainsi qu’une indication des principales raisons de son choix, eu égard aux incidences sur l’environnement.

65      À cet égard, tout d’abord, il y a lieu de relever que la directive EIE ne contient pas de définition de la notion de « principales solutions de substitution », visée à l’article 5, paragraphe 3, sous d), de la directive EIE. Il y a lieu, toutefois, de considérer, à l’instar de Mme l’avocate générale aux points 94 et 95 de ses conclusions, que ce qui est déterminant, afin d’identifier celles des solutions de substitution qui doivent être considérées comme étant « principales », est l’influence de ces solutions sur les incidences, ou l’absence d’incidence, du projet sur l’environnement. À cet égard, la date à laquelle une solution de substitution est rejetée par le maître d’ouvrage est sans pertinence.

66      Ensuite, dès lors que, selon les termes de l’article 5, paragraphe 3, sous d), de la directive EIE, seule une esquisse desdites solutions doit être fournie, il y a lieu de considérer que cette disposition n’impose pas que les principales solutions de substitution examinées soient soumises à une évaluation des incidences équivalente à celle du projet retenu. Cela étant, elle exige du maître d’ouvrage qu’il indique les raisons de son choix, à tout le moins au regard des incidences respectives sur l’environnement. En effet, l’obligation qu’a le maître d’ouvrage d’esquisser les principales solutions de substitution a notamment pour but de motiver son choix.

67      Cette obligation imposée au maître d’ouvrage permet, par la suite, à l’autorité compétente de procéder à une évaluation approfondie des incidences sur l’environnement qui recense, décrit et apprécie, de manière appropriée, les effets sur l’environnement du projet sélectionné, conformément à l’article 3 de la directive EIE.

68      Enfin, il importe de relever que l’esquisse visée à cette disposition doit être fournie pour toutes les principales solutions de substitution qui ont été examinées par le maître d’ouvrage, que celles-ci aient été initialement envisagées par celui-ci ou par l’autorité compétente ou qu’elles aient été préconisées par certaines parties intéressées.

69      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux cinquième à septième questions que l’article 5 paragraphe 3, sous d), de la directive EIE doit être interprété en ce sens que le maître d’ouvrage doit fournir des informations relatives aux incidences environnementales tant de la solution retenue que de chacune des principales solutions de substitution examinées par celui-ci ainsi que les raisons de son choix, au regard, à tout le moins, de leurs incidences sur l’environnement, même en cas de rejet à un stade précoce d’une telle solution de substitution.

Références : ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre), 7 novembre 2018, affaire C‑461/17, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la High Court (Haute Cour, Irlande), par décision du 5 mai 2017, parvenue à la Cour le 28 juillet 2017, dans la procédure Brian Holohan, Richard Guilfoyle, Noric Guilfoyle, Liam Donegan contre An Bord Pleanála,

Cabinet Coudray
Raphaële ANTONA TRAVERSI
Publié le 31/01/2019 dans # Publications