17janvier 2023

Par un arrêt du 16 décembre dernier (CE 16 déc. 2022, Société Grasse-vacances, n° 455186 (publié au Lebon), le Conseil d’État « réhausse ses exigence » (cf. le rapporteur public Thomas Pez-Mavergne dans ses conclusions sur l’arrêt) en matière d’indemnisation du cocontractant de l’administration dont le contrat résulte d’un accord amiable entre les parties.

Dans cette affaire, une commune a conclu le 9 février 1966 un bail emphytéotique de 60 ans avec une société portant sur un terrain en vue d’y construire et exploiter un village de vacances.

La société ayant fait part de son intention de mettre fin au bail emphytéotique, le conseil municipal de la commune a, par délibération du 20 septembre 2016, autorisé le maire à procéder à une résiliation anticipée de ce contrat moyennant le versement d’une indemnité de 1 700 000 € à la société.

Cette délibération a été annulée par jugement du 5 juillet 2019 du tribunal administratif de Nice. Un appel a été interjeté et rejeté par la cour administrative d’appel de Marseille.

Un pourvoi en cassation ayant été formé devant le Conseil d’État, celui-ci a précisé sa jurisprudence en matière d’indemnisation du cocontractant en cas de résiliation amiable d’un contrat administratif.

Alors que la résiliation d’un contrat administratif ne pouvait jusqu’alors intervenir que « sous réserve qu’il n’en résulte pas, au détriment d’une personne publique, une disproportion manifeste entre l’indemnité ainsi fixée et le montant du préjudice résultant, pour le [cocontractant], des dépenses qu’il a exposées et du gain dont il a été privé » (CE 4 mai 2011, n° 334280, CCI de Nîmes, Uzès, Bagnols, Le Vigan) le Conseil d’État considère dans son arrêt du 16 décembre 2022 que :

« Les parties à un contrat conclu par une personne publique peuvent déterminer l’étendue et les modalités des droits à indemnité du cocontractant en cas de résiliation amiable du contrat, sous réserve qu’il n’en résulte pas, au détriment de la personne publique, l’allocation au cocontractant d’une indemnisation excédant le montant du préjudice qu’il a subi résultant du gain dont il a été privé ainsi que des dépenses qu’il a normalement exposées et qui n’ont pas été couvertes en raison de la résiliation du contrat ».

L’indemnité allouée au cocontractant est maintenant strictement encadrée : l’administration ne peut plus indemniser le cocontractant au-delà du montant du préjudice subi, dans la limite d’une disproportion manifeste.

Au cas d’espèce, l’indemnité allouée au cocontractant de la commune ne tenait pas compte « du prix qu’il pouvait tirer de la cession des droits qu’il tenait du bail, afin de retenir le plus élevé des deux montants correspondant soit au bénéfice escompté de l’exploitation du site pour la durée du contrat restant à courir soit à la valeur des droits issus du bail ».

En conséquence, le Conseil d’État a annulé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille pour erreur de droit.

CE 16 déc. 2022, Société Grasse-vacances, n° 455186 (publié au Lebon)

 

Cabinet Coudray
Laura MARIEZ
Publié le 17/01/2023 dans # Veille juridique