23février 2024

 

 

 

Le régime juridique des métaux issus de la crémation des défunts avait fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité. Ce régime et les interrogations qu’il soulevait avaient déjà été étudiés par notre Cabinet dans une précédente publication. Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision n° 2023-1075, écartant l’ensemble des griefs dirigés contre l’article L. 2223-18-1-1 du code général des collectivités territoriales.

Suivant cette décision du 18 janvier 2024, ni le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, ni le droit de propriété ne s’opposent à ce que ces métaux soient récupérés par le gestionnaire du crématorium ou à un opérateur chargé de cette mission.

Distinguant nettement les cendres desdits métaux, ces derniers ne peuvent bénéficier du principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, et cette argumentation est donc regardée comme inopérante.

Le droit de propriété apparaît, quant à lui, nettement moins ménagé. En effet, le Conseil constitutionnel affirme que :

« 13. Si les dispositions contestées font obstacle à ce que les ayants droit puissent se voir remettre les métaux issus de la crémation ou le produit de leur cession, quand bien même ils proviendraient de biens ayant appartenu au défunt, elles n’ont ni pour objet ni pour effet de les priver des droits qu’ils peuvent faire valoir en temps utile sur ces biens en vertu de la loi successorale. »

Ainsi, l’organisateur des obsèques correspond rarement à l’ensemble des personnes appelés à la succession. Dès lors, le délai s’écoulant entre le décès et la crémation ne peut être regardé comme permettant ceux-ci de faire valoir « en temps utile », les droits qu’ils tiennent sur les éventuels bijoux finalement récupérés.  Les limites de l’actif successoral deviennent floues, et les responsabilités respectives pourraient être interrogées.

De façon remarquable, on constatera que, pour la première fois, le Conseil constitutionnel applique le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine à un corps sans vie, étendant donc l’article 16-1-1 du code civil selon lequel « Les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence ».

On notera encore que le Conseil constitutionnel a strictement limité le champ de cette question prioritaire de constitutionnalité. Ainsi, si la décision de renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité du Conseil d’État au Conseil constitutionnel visait l’ensemble de l’article L. 2223-18-1-1 du code général des collectivités territoriales, ce dernier a restreint son examen au I et au III de cet article. De cette façon, le II, relatif à l’affectation du produit de cette valorisation – financement des obsèques des indigents et don à une association d’intérêt général – peut toujours voir sa constitutionnalité interrogée.

Finalement, si cette décision conforte les gestionnaires des crématoriums et sécurise juridiquement l’organisation du service public funéraire, elle pourra, ponctuellement, semer un certain trouble au sein des familles et des héritiers concernés.

Cabinet Coudray
François MARANI
Publié le 23/02/2024 dans # Veille juridique