22février 2022

La loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale est entrée en vigueur le 22 février 2022. Elle modifie le régime applicable aux chemins ruraux.

1.          La supension du délai de prescription sur les chemins ruraux en vue de leur recensement

L’article 102 de la loi 3DS modifie le code rural comme suit :

« Après l’article L. 161-6 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 161-6-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 161-6-1. – Le conseil municipal peut, par délibération, décider le recensement des chemins ruraux situés sur le territoire de la commune. Cette délibération suspend le délai de prescription pour l’acquisition des parcelles comportant ces chemins.

« La suspension produit ses effets jusqu’à la délibération arrêtant le tableau récapitulatif des chemins ruraux, prise après enquête publique réalisée en application du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat. Cette délibération ne peut intervenir plus de deux ans après la délibération prévue au premier alinéa. » »

Le délai de prescription acquisitive est ainsi suspendu à compter de l’adoption par le conseil municipal d’une délibération décidant le recensement de ses chemins ruraux.

Cette disposition vise à renforcer la protection des chemins ruraux.

La suspension a été préférée à l’interruption du délai de prescription initialement envisagée – laquelle aurait entièrement effacé le délai de prescription.

Ne voulant pas créer une inégalité de traitement entre les possesseurs de chemins ruraux et les possesseurs de tout autre type de biens, le législateur a considéré que la suspension était suffisante et en rapport avec le but poursuivi par le dispositif consistant à laisser un temps suffisant (deux ans) à la commune pour recenser ses chemins ruraux.

Le deuxième alinéa du nouvel article L. 161-6-1 vise à inciter les communes à procéder au recensement.

 

2.          La procédure d’échange d’un chemin rural

Antérieurement à la loi 3DS, selon la jurisprudence administrative, les communes ne pouvaient, pour l’aliénation des chemins ruraux, avoir recours à une autre procédure (par exemple CE, 17 novembre 2010, n° 338338).

Autrement dit, une commune ne pouvait pas procéder à un échange de parcelle avec un tiers, dès lors qu’un chemin rural se situait sur ladite parcelle. Ceci posait des difficultés lorsqu’une commune souhaitait modifier ou réorganiser les itinéraires des chemins ruraux.

L’article 103 de la loi 3DS remédie à cette situation :

« I. – Après l’article L. 161-10-1 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 161-10-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 161-10-2. – Lorsqu’un échange de parcelles a pour objet de modifier le tracé ou l’emprise d’un chemin rural, la parcelle sur laquelle est sis le chemin rural peut être échangée dans les conditions prévues à l’article L. 3222-2 du code général de la propriété des personnes publiques et à l’article L. 2241-1 du code général des collectivités territoriales. L’acte d’échange comporte des clauses permettant de garantir la continuité du chemin rural.

« L’échange respecte, pour le chemin créé, la largeur et la qualité environnementale, notamment au regard de la biodiversité, du chemin remplacé. La portion de terrain cédée à la commune est incorporée de plein droit dans son réseau des chemins ruraux.

« L’information du public est réalisée par la mise à disposition en mairie des plans du dossier et d’un registre avant la délibération autorisant l’échange, pendant un mois. Un avis est également affiché en mairie. Les remarques et observations du public peuvent être déposées sur un registre. »

  1. – L’article L. 3222-2 du code général de la propriété des personnes publiques est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’échange d’une parcelle sur laquelle se situe un chemin rural n’est autorisé que dans les conditions prévues à l’article L. 161-10-2 du code rural et de la pêche maritime. » »

Il institue et régit la procédure d’échange de parcelles ayant pour objet de modifier le tracé ou l’emprise d’un chemin rural.

Ces nouvelles dispositions visent à préserver les caractéristiques initiales d’un chemin rural. Elles prévoient également que l’acte d’échange comporte des clauses permettant de garantir la continuité d’un chemin rural.

L’échange doit également respecter, pour le chemin créé, la largeur et la qualité environnementale du chemin remplacé.

La portion de terrain cédée à la commune est incorporée de plein droit dans son réseau des chemins ruraux.

Les échanges entrant dans le champ d’application de cette disposition n’impliquent pas d’enquête publique préalable, contrairement à la procédure d’aliénation des chemins ruraux, mais une simple information du public.

 

3.          Une présomption d’affectation à l’usage direct du public renforcée

 

L’article 104 de la loi 3DS dispose :

« Le chapitre Ier du titre VI du livre Ier du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa de l’article L. 161-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’elle est ainsi présumée, cette affectation à l’usage du public ne peut être remise en cause par une décision administrative. » ;

2° L’article L. 161-8 est ainsi rédigé :

« Art. L. 161-8. – Des contributions spéciales peuvent être imposées par la commune ou l’association syndicale mentionnée à l’article L. 161-11 aux personnes physiques ou morales responsables des dégradations apportées aux chemins ruraux en état de viabilité qui, de manière habituelle ou temporaire, les utilisent à quelque titre que ce soit.

« La quotité des contributions est proportionnée à la dégradation causée.

« Les deux derniers alinéas de l’article L. 141-9 du code de la voirie routière sont applicables à ces contributions. » ;

3° L’article L. 161-11 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« En l’absence d’association syndicale, la commune peut autoriser, par convention, une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association à restaurer et à entretenir un chemin rural. Cette convention ne vaut pas engagement de la commune à prendre en charge l’entretien du chemin rural.

« Lorsqu’aucune des conditions prévues au présent article n’est satisfaite, une tierce association, régie par la loi du 1er juillet 1901 précitée, peut également proposer de prendre en charge l’entretien dudit chemin à titre gratuit. » »

 

Tout d’abord, la présomption d’affectation à l’usage du public d’un chemin rural ne peut pas être renversée par une décision administrative faisant cesser cette affectation.

Ce faisant, il restreint la possibilité pour les communes de supprimer des chemins ruraux.

Ensuite, la commune ou une association syndicale chargée de l’entretien d’un chemin rural peut désormais imposer des contributions spéciales aux personnes physiques ou morales responsables des dégradations.

La quotité des contributions doit, dans ce cas, être proportionnée à la dégradation causée.

Enfin, en l’absence d’association syndicale, la commune pourra autoriser par convention une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association à restaurer et entretenir un chemin rural.

Il est précisé qu’une telle convention ne vaut pas engagement de la commune de prendre en charge l’entretien du chemin rural.

Cabinet Coudray
Jean-Éric CORILLION
Publié le 22/02/2022 dans # Veille juridique