25mars 2022

Alors que sous l’effet des mesures en faveur de la transition écologique et d’une évolution des mentalités, le recyclage et la valorisation des déchets montent en puissance, le fléau des dépôts sauvages persiste, ce qui impose une réponse efficiente des pouvoirs publics, à travers la mise en oeuvre de sanctions administratives et pénales.

Ce phénomène est régulièrement à la une des médias par le biais de différentes affaires d’envergures diverses et parfois dramatiques telles que l’affaire dénommée « la mafia des déchets » relative aux déversements illicites de déchets issus de chantiers de travaux dans le Var et les Alpes-Maritimes jugée en décembre 2021 [1] ou encore le décès du maire de la commune de Signes, le 5 août 2019, qui avait surpris le déversement illégal de gravats dans une pinède [2].

Par leur ampleur et croissance constante, les dépôts sauvages sont devenus l’une des préoccupations majeures des élus. Ils occasionnent une pollution des milieux, peuvent engendrer des atteintes à sécurité et la santé publique (risques d’incendies, de blessure, d’intoxication…), provoquent des nuisances visuelles et olfactives, suscitent l’incompréhension et l’exaspération des citoyens et nécessitent la mobilisation de moyens humains ainsi que financiers importants pour la mise en oeuvre d’actions préventives (sensibilisation, collectes spécifiques, …) et curatives (résorption et sanctions).

Sous l’effet de lois récentes [3], le cadre juridique applicable aux dépôts sauvages de déchets se renforce année après année. En outre, la réforme de la Responsabilité élargie des producteurs (REP), opérée par la loi « AGEC » du 10 février 2020 et ses décrets d’application, pourrait également avoir une influence sur le phénomène des dépôts sauvages ou à tout le moins le financement de la résorption de certains d’entre eux. Ce dispositif juridique repose sur deux piliers, l’une relevant de la police administrative, l’autre de la répression judiciaire.

I. Notions et qualifications

A. Notion de déchet

Aux termes de l’article L. 541-1-1 du Code de l’environnement N° Lexbase : L8113LXR, le déchet correspond à « toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire » [4].

La notion de déchet englobe un panel très large de substances et d’objets :

– objets de toutes sortes ;

– matériaux ;

– substances diverses.

Le déchet correspond à tout bien ou substance :

– dont on veut se défaire ;

– dont on doit se défaire ;

– qui est impropre à son usage (matériaux pollués…).

B. Producteur ou le détenteur de déchets

Les producteurs ou détenteurs de déchets sont les personnes responsables de leur élimination ou de leur valorisation finale.

L’article L. 541-1-1 du Code de l’environnement définit le producteur de déchets de la manière suivante : « toute personne dont l’activité produit des déchets (producteur initial de déchets) ou toute personne qui effectue des opérations de traitement des déchets conduisant à un changement de la nature ou de la composition de ces déchets (producteur subséquent de déchets) ».

À défaut de pouvoir identifier un producteur, la gestion des déchets incombe au détenteur. Selon le même article, est détenteur de déchets : « le producteur des déchets ou toute autre personne qui se trouve en possession des déchets ». Un troisième acteur est fréquemment impliqué en matière de dépôt sauvage : le propriétaire. En effet, en cas d’impossibilité d’identifier le producteur ou le détenteur du déchet, le propriétaire du terrain sur lequel il est entreposé sera considéré comme en étant le détenteur.

En principe, le seul fait d’être propriétaire d’un terrain où se trouve un déchet n’implique pas d’en être le détenteur [5]. Toutefois, selon une jurisprudence constante et conformément à l’article L. 556-3 du Code de l’environnement N° Lexbase : L8571LHW, en l’absence de producteur ou de détenteur connu des déchets, le propriétaire du terrain sur lequel ils ont été déposés peut être regardé comme le détenteur au sens de l’article L. 541-2 du Code de l’environnement N° Lexbase : L9592INL, notamment s’il a fait preuve de négligence à l’égard des abandons sur son terrain [6].

La Cour de cassation a pu juger dans le même sens en estimant qu’en l’absence de tout autre responsable, le propriétaire d’un terrain où des déchets ont été entreposés en est le détenteur à moins qu’il ne démontre être étranger à leur abandon et ne l’avoir pas permis ou facilité par négligence ou complaisance [7]. Dès lors, le propriétaire négligent sera tenu à l’élimination à ses frais des déchets se trouvant sur son terrain [8]. En pratique, le propriétaire découvrant l’abandon de déchets sur sa propriété a intérêt à en informer sans délai la collectivité, faire constater les faits, voire déposer une plainte.

C. Distinction entre déchets ménagers et assimilés et déchets industriels

Le Code de l’environnement distingue les obligations des professionnels de celles des ménages. Un déchet ménager est tout déchet, dangereux ou non, dont le producteur est un ménage (C. envir., art. R. 541-8 N° Lexbase : L0983LZG). Il appartient aux ménages d’assurer la remise de leurs déchets en respectant le règlement de collecte qui leur est applicable. Les déchets de certaines activités tertiaires et artisanales peuvent être collectés par les collectivités et sont à ce titre assimilés aux déchets ménagers. L’article L. 2224-14 du Code général des collectivités territoriales N° Lexbase : L9628INW prévoit que les collectivités visées à l’article L. 2224-13 N° Lexbase : L1441LWB assurent la collecte et le traitement des autres déchets (définis par décret), qu’elles peuvent, eu égard à leurs caractéristiques et aux quantités produites, collecter et traiter sans sujétions techniques particulières.

Les déchets industriels sont définis sous l’appellation de déchets d’activités économiques comme étant des déchets, dangereux ou non, dont le producteur initial n’est pas un ménage (C. envir., art. R. 541-8). Les producteurs ou détenteurs de déchets industriels doivent assurer la gestion de leurs déchets (tri, collecte, valorisation, élimination) dans le respect des règles fixées par les articles L. 541-9 N° Lexbase : L1479LWP et suivants du Code de l’environnement.

D. Abandon de déchets

Notion de dépôt n’existe pas juridiquement, la qualification juridique est celle d’abandon. Le dépôt sauvage est un abandon de déchets dans des conditions illégales. L’article L. 541-3 III du Code de l’environnement N° Lexbase : L1473LWH dispose que « est réputé abandon tout acte tendant sous le couvert d’une cession à titre gratuit ou onéreux, à soustraire son auteur aux prescriptions du code de l’environnement ».

Selon le comportement de son auteur et ses caractéristiques, l’abandon de déchets sera susceptible de revêtir différentes qualifications :

– dépôts contraires au règlement de collecte : e erreur de tri (cartons dans une benne destinée au verre), sacs en surplus déposés à côté d’une benne pleine, déchets conformes mais déposés au pied du point d’apport volontaire (PAV), sortie des poubelles au mauvais jour…

– dépôts de quantités variables aux impacts sanitaires et environnementaux modérés ou notables relevant des dispositions des articles L. 541-46 N° Lexbase : L5057L8S et suivants ainsi que R. 541-76 N° Lexbase : Z65706NL et suivants du Code de l’environnement.

– déchet déposé en dehors des emplacements de dépôts de déchets autorisés ou déchets déposés dans un emplacement approprié mais de nature non conforme : mégots, canettes, emballages de repas à emporter… sur la voie publique, dépôts divers en pleine nature, mobilier et autres objets abonnés sur l’espace public à la suite d’un déménagement…

– décharge illégale exploitée ou détenue par une entreprise, un particulier, voire une collectivité en méconnaissance de la législation relative aux installation classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Les déchets peuvent y être admis à titre gratuit ou payant sans incidence sur l’illégalité de l’exploitation. Dans un rapport [9] publié en février 2019, l’ADEME a analysé la typologie des dépôts, les moments et raisons des abandons. Elle relève notamment que les dépôts contraires au règlement de collecte sont les plus nombreux. Les dépôts relevant du code de l’environnement, qu’elle qualifie de « dépôts diffus », les plus sont fréquents sont constitués de déchets issus d’articles de consommation nomade, mégots de cigarettes, films et sacs plastiques et sacs d’ordures ménagères. Les déchets plus volumineux (déchets de construction inertes ou non, déchets verts et encombrants) se rencontrent également régulièrement.

II. Les pouvoirs de police

Les dépôts illégaux de déchets peuvent relever des différents pouvoirs de police administrative.

A. Pouvoir de police générale du maire au titre du Code général des collectivités territoriales

Le pouvoir de police générale du maire lui permet expressément de lutter contre certains dépôts sauvages et de sanctionner les atteintes à la salubrité, la sûreté et la sécurité publique. Aux termes de l’article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales N° Lexbase : L0892I78 : « La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment :

1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l’éclairage, l’enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des édifices et monuments funéraires menaçant ruine, l’interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des édifices qui puisse nuire par sa chute ou celle de rien jeter qui puisse endommager les passants ou causer des exhalaisons nuisibles ainsi que le soin de réprimer les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des voies susmentionnées ».

Toutefois, face à un dépôt sauvage, le maire ne peut user de son pouvoir de police administrative générale pour ordonner des mesures d’élimination des déchets qu’en cas de péril imminent, conformément à l’article L. 2212-4 du Code général des collectivités territoriales N° Lexbase : L8694AAA [10]. Le pouvoir de police générale du maire n’est pas transférable au président d’une EPCI. Il peut uniquement les déléguer à ses adjoints ou à un conseiller municipal.

B. Pouvoir de police spéciale relevant du règlement sanitaire départemental

Le maire peut également agir au titre de ses pouvoirs de police administrative générale pour faire respecter le règlement sanitaire départemental (RSD) qui fixe des prescriptions relatives à la gestion des déchets, en application du code de la santé publique [11] Ce pouvoir de police ne peut pas être transféré à l’EPCI compétent en matière de déchets.

C. Pouvoir de police spéciale de la collecte des déchets ménagers :

Les collectivités assurent la collecte et le traitement des déchets ménagers et assimilés.

La compétence de gestion des déchets ménagers et assimilés confiée aux communes est transférée en toute ou en partie à l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) auquel appartient la commune ou à un groupement de collectivités compétent en matière de collecte des déchets ménagers (ex : syndicat mixte intercommunal de collecte et de traitement). En application des articles L. 2224-13 N° Lexbase : L1441LWB, L. 2224-14 N° Lexbase : L9628INW et L. 2224-16 N° Lexbase : L8059LXR du Code général des collectivités territoriales, il appartient à l’autorité compétente de fixer le règlement de collecte des déchets et de sanctionner les infractions à ce règlement. L’article L. 2224-16 précise que le règlement de collecte définit les règles relatives à la collecte des déchets collectés en fonction de leurs caractéristiques. Il impose les modalités de collecte séparée, y compris le cas échéant la présentation et le lieu de collecte, au minimum pour:

– les déchets de papier, de verre, de métal et de plastique ;

– les déchets de fractions minérales, de bois et de plâtre pour les déchets de construction et de démolition;

– et les déchets de textiles et les déchets dangereux, à compter du 1er janvier 2025.

Il impose également les modalités de collecte séparée, y compris le cas échéant la présentation et le lieu de collecte, pour les biodéchets remis au service public local, conformément à l’article L. 541-21-1 du Code de l’environnement N° Lexbase : L2202LWH. Si en vertu des dispositions de l’article L. 5211-9-2 I A du Code général des collectivités territoriales N° Lexbase : L4705MBU, les pouvoirs de police spéciale afférents à la compétence en matière de collecte des déchets ménagers sont automatiquement transférés au président du groupement de collectivités compétent en matière de collecte des déchets ménagers, les maires disposent toutefois de la possibilité de conserver leurs pouvoirs de police en s’opposant au transfert de compétence. En cas d’opposition, la collecte est assurée par l’EPCI ou le syndicat mixte mais ce sera au maire, titulaire de pouvoir de police, de la réglementer et de sanctionner le non-respect du règlement de collecte.

D. Pouvoir de police spéciale des dépôts sauvages au titre du Code de l’environnement

L’autorité investie de pouvoirs de police administrative pour réprimer le fait d’abandonner ou de déposer illégalement des déchets est le maire ou le président du groupement de collectivité. L’article L. 541-3 du Code de l’environnement N° Lexbase : L1473LWH encadre les pouvoirs de cette autorité en cas d’abandon, de dépôt ou de gestion illégale des déchets :

« […] Lorsque des déchets sont abandonnés, déposés ou gérés contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application, à l’exception des prescriptions prévues au I de l’article L. 541-21-2-3, l’autorité titulaire du pouvoir de police compétente avise le producteur ou détenteur de déchets des faits qui lui sont reprochés ainsi que des sanctions qu’il encourt et, après l’avoir informé de la possibilité de présenter ses observations, écrites ou orales, dans un délai de dix jours, le cas échéant assisté par un conseil ou représenté par un mandataire de son choix, peut lui ordonner le paiement d’une amende au plus égale à 15 000 euros et le mettre en demeure d’effectuer les opérations nécessaires au respect de cette réglementation dans un délai déterminé.

Au terme de cette procédure, si la personne concernée n’a pas obtempéré à cette injonction dans le délai imparti par la mise en demeure, l’autorité titulaire du pouvoir de police compétente peut, par une décision motivée qui indique les voies et délais de recours :

1° L’obliger à consigner entre les mains d’un comptable public une somme correspondant au montant des mesures prescrites. […]

2° Faire procéder d’office, en lieu et place de la personne mise en demeure et à ses frais, à l’exécution des mesures prescrites. […] ;

3° Suspendre le fonctionnement des installations et ouvrages, la réalisation des travaux et des opérations, ou l’exercice des activités qui sont à l’origine des infractions constatées […] ;

4° Ordonner le versement d’une astreinte journalière au plus égale à 1 500 euros […] ;

5° Ordonner le paiement d’une amende au plus égale à 150 000 euros […] »

Ce pouvoir de police spéciale se distingue de la police de la collecte des déchets ménagers prévue à l’article L. 2214-16 du Code général des collectivités territoriales en ce qu’elle vise à sanctionner les dépôts sauvages et non la méconnaissance du règlement de collecte.

Depuis la loi « AGEC » du 10 février 2020, lorsqu’un groupement de collectivités est compétent en matière de collecte des déchets ménagers, les maires des communes membres de celui-ci (ou membres d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre lui-même membre du groupement de collectivités) peuvent transférer au président de ce groupement les prérogatives qu’ils détiennent en application de l’article L. 541-3 du Code de l’environnement. L’autorité titulaire du pouvoir de police compétente pourra aussi intervenir en cas de dépôt sauvage, y compris si un commerçant ou un artisan (non ICPE) stocke des déchets sur le site de son activité.

III. La mise en oeuvre des pouvoirs de police

Dès le dépôt effectué, les collectivités ou leurs groupements doivent mettre en oeuvre les démarches permettant d’assurer l’enlèvement des déchets. Pour les dépôts les plus conséquents, la procédure prévue à l’article L. 541-3 du Code de l’environnement devra être mise en oeuvre, parallèlement à d’éventuelles sanctions pénales. En cas de dépôts modestes, la lourdeur de la procédure prévue à l’article L. 541-3 du Code de l’environnement est inadaptée. En pratique, le service de collecte des déchets procède à leur enlèvement afin d’éviter les atteintes à la sécurité et salubrité publique et l’effet d’incitation. La seule voie d’action ouverte sera alors celle de la répression pénale.

A. Sanctions administratives

Lorsque d’importants dépôts sont commis sur le territoire d’une commune ou d’un groupement de communes, il appartient à l’autorité compétente de faire usage de ses pouvoirs de police administrative. Le recours aux sanctions administratives n’a pas pour but de réprimer les faits commis, mais vise à faire cesser le trouble et à conduire l’auteur du dépôt à respecter les règles.

La mise en oeuvre de sanctions administratives implique le respect de plusieurs formalités prévues à l’article L. 541-3 du Code de l’environnement. Dès lors que le dépôt est constaté, l’autorité titulaire du pouvoir de police spéciale doit aviser l’auteur des faits. Il lui précise faits qui lui sont reprochés ainsi que des sanctions qu’il encourt. Ce dernier dispose d’un délai de 10 jours pour fournir des explications ou pour informer l‘administration qu’il a procédé au retrait des déchets. Les observations peuvent être présentées par écrit ou à l’oral. Le cas échéant l’auteur du dépôt peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. La méconnaissance de cette procédure contradictoire entraîne l’illégalité de la procédure [12].

Dans le cas où les déchets n’auraient pas été enlevés, l’autorité titulaire du pouvoir de police compétente doit mettre en demeure l’auteur des faits de procéder au retrait des déchets dans un délai déterminé. Depuis la loi « AGEC », la mise en demeure peut être assortie d’une sanction tendant au paiement d’une amende administrative d’un montant pouvant aller jusqu’à 15 000 euros. En cas de constat du non-respect de la mise en demeure, elle peut imposer une des sanctions listées à l’article L. 541-3 du Code de l’environnement : exécution d’office, suspension de fonctionnement de l’installation ou de l’activité à l’origine de l’abandon des déchets, astreinte journalière au plus égale à 1 500 euros , paiement d’une amende au plus égale à 150 000 euros.

En cas d’urgence, l’autorité compétente titulaire du pouvoir de police fixe les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l’environnement. Les amendes administratives et l’astreinte journalière sont recouvrées au bénéfice de la commune (lorsque l’autorité compétente est le maire) ou du groupement de collectivités (lorsque l’autorité compétente est le président d’un groupement de collectivités, en application de l’article L. 5211-9-2 du Code général des collectivités territoriales N° Lexbase : L4705MBU). L’autorité titulaire du pouvoir de police compétente est tenue de mettre en oeuvre ses pouvoirs de police dès lors qu’elle a connaissance d’un dépôt sauvage de déchets. En cas d’inaction de sa part, la responsabilité de la collectivité peut être engagée [13]. Par ailleurs, en cas de carence de l’autorité titulaire du pouvoir de police compétente, la procédure de l’article L. 541- 3 doit être mise en oeuvre par le Préfet.

B. Obligations des filières à responsabilité élargie des producteurs

Depuis la loi « AGEC » du 10 février 2020, les éco-organismes (C. env., art. L. 541-10 N° Lexbase : L1489LW3 et R. 514-86 et suivants) financent les opérations de nettoiement des dépôts illégaux importants (supérieurs à 1 tonne pour les déchets non dangereux ou inertes), comportant des déchets issus de produits relevant de leur agrément, en l’absence d’identification de l’auteurs du dépôt illégal ou, lorsque le ou les auteurs sont identifiés, en cas d’échec des mesures de police administrative visant à résorber le dépôt. Le décret n° 2020-1455 du 27 novembre 2020 N° Lexbase : L7930LYD a précisé les modalités de la prise en charge.

Pour les dépôts sous le seuil des 100 tonnes (qui exclut de fait la très grande majorité des dépôts sauvages), le

ministère de l’Ecologie a indiqué dans une réponse ministérielle [14] :

« Ainsi, afin que les producteurs puissent soutenir les collectivités qui font face aux incivilités du quotidien, la loi antigaspillage a également prévu que certaines filières soutiennent les collectivités dans le cadre du nettoiement des espaces publics. C’est notamment le cas pour les mégots grâce à la filière à responsabilité élargie des producteurs qui a été mise en place cette année. Ce sera également le cas dès 2023 pour les emballages ménagers pour l’ensemble du territoire national et dès 2024, pour les textiles sanitaires. Par ailleurs, pour agir à la racine sur les causes de la gestion illégale des déchets, la loi anti-gaspillage a créé plusieurs nouvelles filières qui vont permettre aussi d’accompagner les collectivités dans leur lutte contre les dépôts sauvages mais aussi contre les abandons diffus de déchets dans l’espace public. Ce sera notamment le cas avec la filière relative aux déchets des produits et matériaux de construction du bâtiment qui permettra la mise en place d’un maillage efficace de points de collecte permettant de collecter sans frais les déchets des entreprises et des particuliers, ce qui devrait réduire de façon importante les dépôts sauvages de tels déchets qui seront repris gratuitement. Enfin, la loi anti-gaspillage a renforcé les pouvoirs des collectivités, en renforçant les moyens mis à leur disposition ou les sanctions applicables aux auteurs de dépôts illégaux ou d’abandons de déchets. La mise en oeuvre de ces moyens devrait aussi permettre aux collectivités de lutter plus efficacement contre la prolifération des dépôts sauvages et les abandons de déchets par leurs administrés dans l’espace public. »

IV. Infractions et sanctions pénales

A. Textes applicables

Les sanctions pénales composent un arsenal complexe de textes de répression qui implique une analyse précise de la situation avant verbalisation.

Schéma modifié et actualisé issu du guide relatif à la lutte contre les abandons et dépôts illégaux de déchets du ministère de la transition écologique – décembre 2020

La loi « climat et résilience » a également inséré un nouveau délit au sein de l’article L. 541-46 du Code de l’environnement N° Lexbase : L5057L8S punissant de trois ans d’emprisonnement et de 250 000 euros d’amende (montant pouvant être porté jusqu’au triple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction) le non-respect d’une mise en demeure au titre du I de l’article L. 541-3 lorsqu’il expose directement la faune, la flore ou la qualité de l’eau à un risque immédiat d’atteinte grave et durable. Sont considérées comme durables, les atteintes susceptibles de durer au moins sept ans

.En outre, le code forestier réprime et qualifie d’infraction forestière les infractions prévues par le code pénal en matière de dépôt ou d’abandon de matières, d’ordures, de déchets ou d’épaves, lorsqu’elles sont commises dans les bois et forêts ou les autres terrains ou espaces soumis aux dispositions dudit code (C. for., art. L. 161-1 N° Lexbase : C05417Q4).

B. Précisions sur les peines

Amendes forfaitaires

Le Code pénal prévoit la possibilité de sanctionner d’une amende forfaitaire les auteurs de certaines infractions. L’amende forfaitaire est très adaptée aux dépôts sauvages en raison de la rapidité par laquelle elle peut être imposée mais sa mise en oeuvre suppose que l’auteur du dépôt soit immédiatement identifiable. L’action publique peut s’éteindre par le paiement d’une amende forfaitaire pour les contraventions réprimées par les articles R. 632-1 N° Lexbase : L1012LZI, R. 634-2 N° Lexbase : L1013LZK et R. 644-2 N° Lexbase : L1015LZM du Code pénal relatifs à l’abandon d’ordures, déchets, matériaux et autres objets (CPP, art. R. 48-1 N° Lexbase : L3727MBN).

La sanction pénale est prononcée sans procès, par un agent verbalisateur et non par un juge. Un avis de contravention et une carte de paiement sont remis au contrevenant au moment de la constatation de l’infraction ou par voie postale si l’édition immédiate du document impossible ou via une procédure de procès-verbal électronique. La procédure de l’amende forfaitaire n’est pas applicable si plusieurs infractions ont été constatées simultanément, dont l’une au moins ne peut donner lieu à une amende forfaitaire, ou lorsque la loi prévoit que la récidive de la contravention constitue un délit (CPP, art. 529 N° Lexbase : L3923IRQ).

L’amende forfaitaire est rare pour les délits. Cependant, depuis la loi « AGEC », l’article L. 541-46 VIII du Code de l’environnement N° Lexbase : L5057L8S prévoit cette possibilité pour le délit d’abandon de déchets, dès lors que l’auteur est identifié. Le montant de l’amende forfaitaire est fixé à 1 500 euros. Il peut être minoré à 1 000 euros ou majoré à 2 500 euros (CPP, art. 495-17 et s N° Lexbase : L8112MAP). Peine complémentaire de confiscation du véhicule Depuis la loi « AGEC », lorsqu’un véhicule a été utilisé pour commettre un délit d’abandon de de déchets, la confiscation du véhicule peut être encourue (C. env., art. L. 541-46 IX). Jusqu’au prononcé de la sanction, le véhicule peut également être immobilisé et mis à la fourrière avec l’autorisation préalable du procureur de la République, dans les conditions prévues aux trois derniers alinéas de l’article L. 325-1-1 du Code de la route N° Lexbase : L6437IS9.

La confiscation est également prévue dans le cadre de la contravention de 5 ème classe de l’article R. 635-8 du Code pénal N° Lexbase : L5962IMR. L’article L. 541-46 prévoit par ailleurs différentes mesures à caractère réel dont la suspension du permis pour une durée n’excédant pas 5 ans, la remise en état des lieux endommagés par les déchets qui n’ont pas été traités dans les conditions conformes à la loi, la fermeture temporaire ou définitive de l’installation et l’interdiction à son exploitant d’exercer l’activité d’éliminateur ou de récupérateur. Certaines collectivités travaillent en collaboration directe avec le parquet afin de favoriser un traitement pénal efficace et adapté des dépôts illégaux de déchets.

C. Constatations des infractions

Personnes habilitées

Les infractions à la règlementation des déchets doivent préalablement faire l’objet d’un constat circonstancié réalisé par un agent compétent.

Les agents habilités à sanctionner ces infractions sont listés aux articles L. 541-44 N° Lexbase : L6934L7X, L. 541-44-1 N° Lexbase : L6935L7Y et L. 172-1 N° Lexbase : L6470L7R du Code de l’environnement. Sont notamment compétents : le maire et ses adjoints (OPJ), les inspecteurs de l’environnement, les agents de police municipale, les gardes champêtres.

Les lois « AGEC » et « climat et résilience » ont ajouté, par le nouvel article L. 541-44-1, deux autres catégories d’agents habilités à constater les infractions relatives aux déchets :

– en premier lieu, les personnels, fonctionnaires et agents mentionnés à l’article L. 130-4 du Code de la route N° Lexbase : L8137MAM ;

– en second lieu, les agents des collectivités territoriales et de leurs groupements habilités et assermentés, pour constater les infractions prévues aux articles R. 632-1, R. 634-2 et R. 635-8 N° Lexbase : L5962IMR du Code pénal. Les articles R. 541-85-1 N° Lexbase : L0998LZY et suivants du Code de l’environnement précisent les modalités d’habilitation et d’assermentation :

– l’habilitation est délivrée par l’autorité de nomination ;

– l’agent doit avoir suivi une formation, notamment en droit pénal et procédure pénale, et disposer des compétences techniques et juridiques nécessaires ;

– l’habilitation peut être suspendue ou retirée si l’agent ne remplit plus les conditions requises ;

– l’agent doit prêter serment devant le tribunal judiciaire de sa résidence, au siège de ce tribunal ou, le cas échéant, de l’une de ses chambres de proximité. Un procès-verbal est dressé et une copie est remise à l’agent. Pour garantir la légalité de la procédure, il importe de bien s’assurer de la compétence, au titre des différentes police susvisées, de l’autorité dont dépend l’agent verbalisateur.

D. Identification des auteurs des dépôts

L’identification des auteurs des dépôts sauvages constitue l’une des difficultés principales que rencontrent les autorités publiques. Or, l’auteur doit nécessairement être identifié pour que le procès-verbal puisse être dressé. Le relevé d’identité des contrevenants Les agents de police municipale sont habilités à relever l’identité des contrevenants pour dresser les procès-verbaux concernant les contraventions qu’ils peuvent constater. Le relevé d’identité consiste à demander oralement au contrevenant de décliner les informations relatives à son identité.

En cas de refus, les agents de police municipale ne peuvent pas contraindre l’auteur du dépôt car la loi ne les autorise pas à procéder un contrôle d’identité. Dans ce cas, l’article 78-6 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1214LDC impose à l’agent de police municipale de saisir immédiatement un officier de police judiciaire (OPJ) (CPP, art. 16 et s.). L’OPJ peut alors lui ordonner sans délai de lui présenter sur-le-champ le contrevenant ou de retenir celui-ci pendant le temps nécessaire à son arrivée ou à celle d’un agent de police judiciaire agissant sous son contrôle. A défaut de cet ordre, l’agent de police municipale ne peut retenir le contrevenant. Pendant le temps nécessaire à l’information et à la décision de l’OPJ, le contrevenant est tenu de demeurer à la disposition de l’agent de police municipale. L’OPJ procédera à la vérification d’identité, dans les conditions prévues à l’article 78-3 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1334HP4.

Si la flagrance constitue le moyen le plus efficace d’assurer la poursuite de la personne physique ou morale à l’origine du dépôt, l’identification des auteurs des dépôts peut être recherché par différents moyens.

  • Fouille des sacs poubelles

Un des premiers moyens auquel il est possible de recourir est la fouille des sacs poubelles qui peuvent contenir des documents permettant d’identifier l’auteur des faits. Le sac poubelle ayant été abandonné, la fouille n’est pas réservée aux officiers de police judiciaire et peut être réalisée par tout agent de police municipale. Les agents sont néanmoins tenus à l’obligation de discrétion professionnelle concernant les informations relatives à la vie privée des déposants [15].

  • Vidéo-surveillance

L’utilisation de la vidéo-surveillance peut également permettre l’identification de l’auteur des faits. Depuis la loi « AGEC », les dispositions de l’article L. 251-2 du Code de sécurité intérieure N° Lexbase : L1555LWI autorisent l’utilisation des images prises sur la voie publique par le moyen de la vidéoprotection pour prévenir et constater l’abandon de déchets.

Ce moyen d’indentification étant couteux, les collectivités le réserve souvent aux endroits stratégiques tels que près des points d’apport volontaire, aux abords des déchèteries ou des « points noirs ». Les informations relatives à l’immatriculation des véhicules La loi « AGEC » a également élargi l’accès au système d’immatriculation des véhicules aux agents de police judiciaire adjoints (agents de police municipale) et aux gardes champêtres. L’article L. 330-2 du Code de la route N° Lexbase : L7336MBC leur permet la communication de ces informations aux seules fins d’identifier les auteurs des infractions liées à l’abandon ou au dépôt illégal de déchets qu’ils sont habilités à constater (C. route, art. R.330-2 N° Lexbase : L7570L3R et R. 330-3 N° Lexbase : L7571L3S).

[1] Tribunal correctionnel de Draguignan, 14 décembre 2021.

[2] Le maire de Signes tué en voulant empêcher un fourgon de jeter illégalement des gravats », France

Bleu, 5 août 2019 ; L. Leroux, Mort du maire de signes : le conducteur qui avait percute l’élu renvoyé devant

le tribunal correctionnel, Le Monde, 26 octobre 2021.

[3] Loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019, portant création de l’Office français de la biodiversité, modifiant les missions des

fédérations des chasseurs et renforçant la police de l’environnement N° Lexbase : L3020LRB ; loi n° 2019-1461 du 27

décembre 2019, relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique N° Lexbase :

L4571LUT ; loi n° 2020-105 du 10 février 2020, relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire

N° Lexbase : L8806LUP ; loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et

renforcement de la résilience face à ses effets N° Lexbase : L6065L7R.

[4] Voir pour une application CAA Lyon, 3 ème ch., 30 septembre 2021, n° 19LY03608 N° Lexbase : A346648U.

[5] CE, 16 juin 2008, n° 304522 N° Lexbase : A2379D9Y. Sur un cas d’absence de négligence : CAA Bordeaux, 29 mai

2019, n° 17BX01040 N° Lexbase : A2732ZDK.

[6] CE, 25 septembre 2013, n° 358923 N° Lexbase : A9655KL8 ; CE, 26 juillet 2011, n° 328651 N° Lexbase :

A8327HWC ; CAA Marseille, 7 ème chambre, 15 décembre 2015, n° 14MA00600 N° Lexbase : A6569NZC ; CE, 13

octobre 2017, n° 397031 N° Lexbase : A7985WUB.

[7] Cass, civ. 3, 11 juillet 2012, n° 11-10.478, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6684IQM.

[8] CE, 26 juillet 2011, n° 328651 N° Lexbase : A8327HWC.

[9] Caractérisation de la problématique des déchets sauvages, Rapport ADEME, ECOGEOS. 2019.

[10] CAA Versailles, 10 mai 2007, n° 05VE01492 N° Lexbase : A1971DXB.

[11] CAA Douai, 1 ère ch., 29 juin 2021, n° 20DA00723 N° Lexbase : A70014YX.

[12] CAA Marseille, 9 juin 2015, n° 12MA03715 N° Lexbase : A8293NQ9.

[13] CE, 13 octobre 2017, n° 397031 N° Lexbase : A7985WUB ; CAA Bordeaux, 2 novembre 2017, n°

16BX03319 N° Lexbase : A1218WYR ; CE, 18 décembre 2020, n° 420569 N° Lexbase : A36734UL.

[14] QE n° 23456 de M. Hervé Maurey, JO Sénat 24 juin 2021 p. 3936, réponse publ. 12 août 2021 p. 4977, 15ème

législature N° Lexbase : L1061MBW.

[15] TA Lille, 21 mars 2019, n° 1606072 N° Lexbase : A27173CM.

Cabinet Coudray
Raphaële ANTONA TRAVERSI
Publié le 25/03/2022 dans # Publications