Article rédigé par Sébastien DUGUÉ, Avocat senior et Guillaume LE TORTOREC, Alternant au Cabinet Coudray
Un récent arrêt du Conseil d’État permet de revenir sur les éléments d’appréciation que peuvent retenir les Universités pour sélectionner les candidats à l’accès en première année de Master et sur la publicité dont ces éléments doivent faire l’objet.
Dans un arrêt n° 467671 rendu le 13 octobre 2023, le Conseil d’État a confirmé le refus d’admission d’un candidat en première année d’un Master ayant un nombre de places limité. Le requérant invoquait notamment l’absence de communication des éléments d’appréciation permettant de sélectionner les candidats.
Le Conseil d’État a jugé que les Universités n’ont pas l’obligation de préciser les éléments d’appréciation sur lesquels elles se basent pour apprécier les mérites des candidats à l’admission en Master :
« 6. (…) le législateur a entendu, lorsque les établissements fixent une capacité d’accueil pour l’accès à la première année de master et décident que l’admission des candidats en première année est subordonnée soit au succès à un concours, soit à l’examen de leur dossier, que les seuls critères applicables soient ceux tenant aux mérites des candidats. Par suite, ces dispositions font obstacle à ce que les établissements d’enseignement supérieur arrêtent d’autres critères pour l’admission dans leurs formations du deuxième cycle. En outre, elles ne leur imposent pas de préciser les éléments d’appréciation selon lesquels les mérites des candidats sont examinés en vue de leur admission dans une formation du deuxième cycle dont la capacité d’accueil est limitée. Il leur est toutefois loisible d’y procéder. »
Ce considérant met en évidence différents points :
Le Conseil d’État a ainsi procédé à un rappel strict de la réglementation, comme il avait déjà eu l’occasion de le faire dans un arrêt n° 471537 du 7 juin 2023, en indiquant que tout autre critère de sélection que celui du mérite serait illégal.
Il s’est en revanche refusé à mettre à la charge des Universités une obligation de précision des critères de sélection, les laissant libre d’y procéder ou non.
Le Conseil d’État a par ailleurs jugé que, lorsqu’une Université fait le choix de préciser les éléments d’appréciation des mérites des candidats, alors ceux-ci doivent faire l’objet d’une publicité selon les règles prévues à l’article L. 221-2 du code des relations entre le public et l’administration, c’est-à-dire en procédant « aux formalités adéquates de publicité », en l’occurrence une publication au bulletin officiel de l’Université ainsi que sur son site internet :
« 10. (…) En l’absence de dispositions prescrivant une formalité de publicité déterminée, les délibérations ayant un caractère réglementaire d’un établissement public sont opposables aux tiers à compter de la date de leur publication au bulletin officiel de cet établissement ou de celle de leur mise en ligne, dans des conditions garantissant sa fiabilité, sur le site internet de cette personne publique. Toutefois, compte tenu de l’objet des délibérations et des personnes qu’elles peuvent concerner, d’autres modalités sont susceptibles d’assurer une publicité suffisante. »
Ces exigences en matière de publicité font écho à celles déjà dégagées par le Conseil d’État dans l’arrêt Voies navigables de France du 24 avril 2012, n° 339669.
A la lumière de cet arrêt du 13 octobre 2023, les Universités connaissent désormais le périmètre de leurs obligations en termes de précision et de publication des éléments d’appréciation des mérites des candidats à l’entrée en Master.
Eu égard à la forte judiciarisation des refus d’admission en Master, il est certain que la position du Conseil d’État sera accueillie avec un certain soulagement par les Universités et l’ensemble des établissements publics d’enseignement supérieur.