30décembre 2024

 

 

 

Par une décision du 7 novembre 2024, la Haute Juridiction vient de préciser que l’architecte chargé d’une mission complète incluant nécessairement la direction de l’exécution des travaux est tenu de veiller à une exécution conforme des travaux par rapport aux prévisions contractuelles et aux plans établis quand bien même son contrat ne prévoyait pas de mission particulière portant sur le mesurage des surfaces (Civile 3ème du 7 novembre 2024 n° 23-12.315).

Les faits sont les suivants :

Un maître d’ouvrage assigne un architecte en justice afin de solliciter l’indemnisation de son préjudice trouvant sa source dans le déficit de surface d’un des lots vendu après achèvement en alléguant de la diminution du prix de vente.

Cette affaire a fait l’objet d’un marathon judiciaire.

Ainsi, le tribunal de grande instance de Bordeaux, par un jugement du 9 janvier 2018, avait débouté le maître d’ouvrage de ses demandes.

Dans un premier arrêt du 5 novembre 2020, la Cour d’appel de Bordeaux avait confirmé le jugement de première instance.

Le maître d’ouvrage s’est donc pourvu en cassation.

Par un premier arrêt du 16 février 2022, la Cour de cassation avait cassé l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux du 5 novembre 2020.

L’affaire a donc été renvoyée devant la Cour d’appel de Bordeaux pour réexamen qui par décision du 1er décembre 2022 n’a pas donné gain de cause au maître de l’ouvrage.

Il s’agit donc de la décision attaquée devant la Haute Juridiction.

Les juges de la cour d’appel dans leur arrêt du 1er décembre 2022, avaient considéré que la mission confiée à l’architecte était une mission complète de base de maîtrise d’œuvre dont le champ d’application incluait les études préliminaires, le suivi de l’exécution des travaux l’assistance à la réception et au dossier des ouvrages exécutés. Toutefois, selon cette cour, l’architecte ne s’était vu confier aucune mission « dite complémentaire » comprenant notamment la mission REL correspondant au relevé des existants et définie au paragraphe   G.4.1 comme « les relevés comprenant le mesurage et la représentation graphique de tout ou partie d’un ouvrage existant ». Par ailleurs, ladite cour avait également considéré que l’architecte n’avait pas non plus pour mission, au titre des autres missions complémentaires visées au paragraphe G4.6, celle de « calcul des superficies ».

Pourtant, la Cour de cassation casse partiellement l’arrêt rendu par la Cour d’appel et considère que l’architecte a failli à ses obligations contractuelles de veiller au respect des surfaces de l’ouvrage au titre de sa mission de direction de l’exécution des travaux et doit indemniser le maître d’ouvrage.

Cette indemnisation prend la forme d’un manque à gagner pour le maître d’ouvrage :

« Il en résulte que le maître de l’ouvrage peut réclamer l’indemnisation d’un manque à gagner résultant de la non-conformité de l’ouvrage aux prévisions contractuelles si celle-ci est imputable à un locateur d’ouvrage ».

La cour d’appel pour refuser l’indemnisation avait considéré que sous couvert d’indemnisation, il ne peut être réclamé le remboursement d’une partie du prix de vente qui ne constitue pas un préjudice indemnisable.

Les juges du droit en cassant également l’arrêt de la cour d’appel sur ce point a opté pour l’indemnisation du maître d’ouvrage dans la lignée de sa jurisprudence constante.

Ainsi, dans un arrêt du 28 janvier 2015, la Cour de cassation avait affirmé :

«  Mais attendu qu’ayant retenu, à bon droit, que, si la restitution, à laquelle le vendeur est tenu en vertu de la loi à la suite de la diminution du prix résultant d’une moindre mesure par rapport à la superficie convenue, ne constitue pas, par elle-même, un préjudice indemnisable permettant une action en garantie, le vendeur peut se prévaloir à l’encontre du mesureur ayant réalisé un mesurage erroné, d’une perte de chance de vendre son bien au même prix pour une surface moindre, la cour d’appel a souverainement apprécié l’étendue du préjudice subi par Mme X… » (Civile 3ème 28 janvier 2015, n° 13-27.397)

Par conséquent, l’architecte doit en toutes circonstances, veiller au respect des surfaces de l’ouvrage sous peine de voir sa responsabilité engagée.

Il s’agit d’un point de vigilance que tout architecte doit avoir en tête sous peine d’être sanctionné sur le fondement de l’article 1231-1 du Code civil (ancien article 1217 du Code civil) et ce même en l’absence de mission initiale portant sur cet élément déterminé dès lors que la mission DET impose de vérifier les surfaces de l’ouvrage.

Cabinet Coudray
Marie Coeurnélie PETIT-SAINT
Publié le 30/12/2024 dans # Veille juridique