9janvier 2025

Rédigé par Maître Tanguy MOCAER, Avocat associé et Monsieur Gwénolé LEFUR, Élève-avocat au Cabinet Coudray UrbanLaw

Deux nouveaux décrets ministériels, portant modification du Code de la commande publique, ont été publiés fin décembre 2024, apportant à la fois de la continuité et des nouveautés réglementaires.

  • Le premier décret n°2024-1217 du 28 décembre 2024, vise à proroger jusqu’au 31 décembre 2025 le seuil de dispense de publicité et mise en concurrence préalables pour les marchés de travaux dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 € HT.

Cette exception pour les marchés de travaux de moins de 100 000 €, instaurée par un décret en date du 28 décembre 2022, devait prendre fin au 31 décembre 2024.

C’est désormais jusqu’au 31 décembre 2025 que les acheteurs soumis au Code de la commande publique pourront conclure un marché de travaux sans publicité ni mise en concurrence préalables pour répondre à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 € HT.

Ces dispositions sont également applicables aux lots qui portent sur des travaux dont le montant est inférieur à 100 000 € HT, à la condition que le montant cumulé de ces lots n’excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots.

Toutefois, les acheteurs bénéficiant de cette exception ont toujours l’obligation de veiller à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu’il existe une pluralité d’offres susceptibles de répondre au besoin.

  • Le second décret n°2024-1251, du 30 décembre 2024, apporte des modifications au Code de la commande publique afin notamment de simplifier l’accès des entreprises à la commande publique et d’assouplir les règles d’exécution financière des marchés publics.

Ce second décret était attendu, faisant suite à la consultation du public ouverte en novembre 2024 par le Ministère de l’économie et des finances, sur un projet de décret portant diverses mesures de simplification du droit de la commande publique.

  • Tout d’abord, ce décret relève la part minimale que le titulaire s’engage à confier à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans dans le cadre des marchés globaux, des marchés de partenariat et des contrats de concession.

Jusqu’alors fixée à 10%, cette part minimale est réhaussée à 20%.

  • En matière de retenue de garantie, le décret abaisse de 5 % à 3 % le montant maximum de la retenue de garantie pour les marchés publics conclus par les plus gros acheteurs (listés ci-dessous) avec une petite ou moyenne entreprise (article R. 2191-33 Code de la commande publique).

Cette mesure est toutefois limitée aux marchés conclus par l’Etat, ainsi que les entités suivantes, dont les charges de fonctionnement constatées dans le compte financier au titre de l’avant-dernier exercice clos sont supérieures à 60 millions d’euros :

  • Établissements publics administratifs de l’Etat, autres que les établissements publics de santé ;
  • Collectivités territoriales ;
  • Etablissements publics des CT et leurs groupements.

 

  • Le décret prévoit également un nouveau seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence pour les marchés de défense ou de sécurité portant sur des travaux, fournitures ou services innovants dont la valeur estimée est inférieure à 300 000 € HT.

Pour rappel, ces marchés innovants sont définis au second alinéa de l’article L. 2172-3 du Code de la commande publique.

Cette exception pour les marchés innovants ne concerne toutefois que les marchés de défense ou de sécurité innovants.

Comme pour l’exception relative aux marchés de travaux, les acheteurs bénéficiant de cette exception ont toujours l’obligation de veiller à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu’il existe une pluralité d’offres susceptibles de répondre au besoin.

  • Ce décret encadre également les conditions dans lesquelles un groupement peut être constitué et sa composition modifiée dans le cadre de procédures incluant une ou plusieurs phases de négociation ou de dialogue.

Désormais, dans le cadre de ces procédures, l’acheteur peut autoriser :

  • Le groupement qui en fait la demande à modifier sa composition ;
  • Le candidat qui en fait la demande, à se constituer en groupement entre la date de remise des candidatures et la date de signature du marché, avec un ou plusieurs des candidats invités à négocier ou à participer au dialogue ou un ou plusieurs des opérateurs économiques aux capacités desquels il a eu recours.

Toutefois, ces deux hypothèses sont soumises à deux conditions :

  • Il faut que le groupement dispose des garanties économiques, financières, techniques et professionnelles exigées par l’acheteur pour participer à la procédure ;
  • La constitution d’un groupement ne doit pas porter atteinte au principe d’égalité de traitement des candidats ni à une concurrence effective entre ceux-ci.
  • Enfin, le décret intègre les mesures règlementaires d’application de la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte s’agissant, de la possibilité pour une entité adjudicatrice de rejeter une offre contenant des produits provenant de certains pays tiers à l’Union européenne.

Ainsi, ce décret étend l’application des motifs de rejet d’une offre présentée dans le cadre de la passation d’un marché de fournitures par une entité adjudicatrice, prévus par les articles 2153-3 à R.2153-5 du Code de la commande publique, aux marchés de travaux de pose et d’installation de ces fournitures.

  • En matière d’accord-cadre, le décret encadre l’hypothèse d’un accord-cadre à bons de commande multi attributaire utilisant le mécanisme des marchés subséquents pour sélectionner le destinataire de certains bons de commande.

Ainsi, lorsque l’accord-cadre à bons de commande est conclu avec plusieurs opérateurs économiques, il peut prévoir qu’il peut donner lieu, pour une partie des prestations, à la conclusion de marchés subséquents après remise en concurrence des titulaires conformément aux dispositions des articles R. 2162-7 à R. 2162-12.

Le décret pose que cette possibilité est conditionnée à ce que les documents de la consultation :

  • Indiquent expressément la possibilité de recourir à cette faculté ;
  • Définissent les circonstances objectives déterminant le choix de recourir à un marché subséquent ;
  • Précisent les termes de l’accord-cadre pouvant faire l’objet d’une remise en concurrence. » ;

 

  • En matière de délai de paiement, ce décret modifie l’article R. 2192-16 du Code de la commande publique en étendant à tous les acheteurs la règle selon laquelle le délai de paiement du solde des marchés de travaux ou de maîtrise d’œuvre court à compter de la date de réception par le maître de l’ouvrage du décompte général et définitif établi dans les conditions fixées par le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux et aux marchés de maîtrise d’œuvre.

 

  • De plus, le décret révise le point de départ du délai de paiement des sous-traitants.

En effet, ce décret abroge le second alinéa de l’article R. 2192-22 du Code de la commande publique qui déterminait comme point de départ du délai de paiement du sous-traitant la date à laquelle le pouvoir adjudicateur avait connaissance de l’acceptation expresse ou implicite par le titulaire des pièces justificatives servant de base au paiement direct.

L’article R. 2192-23 du même Code précise désormais que le délai de paiement du sous-traitant court à compter de la réception par le pouvoir adjudicateur de l’accord, total ou partiel, du titulaire d’un marché sur le paiement demandé.

  • En matière de remboursement de l’avance, ce décret supprime une règle relative au remboursement de l’avance inférieure à 80% du montant du marché.

Jusqu’alors, le remboursement d’une telle avance inférieure à 80% du marché devait être terminé lorsque le montant des prestations exécutées atteint 80% du montant toutes taxes comprises du marché.

Cette même règle s’appliquait pour le remboursement de l’avance octroyée pour une tranche affermie ou un bon de commande, avec comme référence 80% du montant de cette tranche ou du bon de commande et non du marché entier.

Le décret du 30 décembre 2024 abroge cette règle pour ces trois cas (abrogation des articles R. 2191-12, R. 2191-14 et R. 2191-19).

  • Enfin, ce décret étend le champ d’application des dispositions relatives au prix définitifs à l’ensemble des acheteurs soumis au Code de la commande publique.

Ces dispositions se limitent à l’article R. 2112-8 du Code de la commande publique qui prévoit qu’un prix définitif peut être ferme ou révisable.

Cabinet Coudray Publié le 09/01/2025 dans # Veille juridique