Au sein de la fonction publique hospitalière, le délai de convocation de l’agent mis en cause dans le cadre d’une procédure disciplinaire est encadré par les dispositions de l’article 2 du décret n° 89-822 du 7 novembre 1989[1] qui prévoit que « Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline, quinze jours au moins avant la date de la réunion de ce conseil, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ».
La question du respect de ce délai est une question cruciale, dès lors que sa méconnaissance est susceptible de vicier la consultation dudit conseil irrégulièrement convoqué.
En effet, de manière constante le Conseil d’État juge qu’il s’agit ici d’une garantie procédurale substantielle devant permettre à l’agent de préparer utilement sa défense.
Si par principe et par application des dispositions réglementaires sus-rappelées, la convocation de l’agent doit se faire par la voie de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception (ci-après LRAR), le juge administratif admet des exceptions.
Ces exceptions sont entre autres admises pour permettre à l’administration de contrôler autant que possible le respect de ce délai et les conséquences qui en découlent afin notamment de pouvoir prévenir toute attitude dilatoire de la part de l’agent en instrumentalisant par exemple le délai de garde du pli LRAR.
C’est à ce titre que le Conseil d’État a considéré que la méconnaissance du délai de quinze jours n’avait pas pour effet de vicier la consultation du conseil de discipline s’il était établi que l’agent avait été informé de la date du conseil de discipline au moins quinze jours à l’avance par d’autres voies[2].
Mais une autre exception doit ici être mentionnée : celle relative à la convocation par la voie de la signification par exploit de commissaire de justice[3].
En effet, en dépit du fait que les dispositions sus-rappelés ne mentionnent pas cette voie de notification pour convoquer l’agent, il résulte des dispositions de l’article 651 du code de procédure civile que « (…) La notification peut toujours être faite par voie de signification alors même que la loi l’aurait prévue sous une autre forme. »
Rappelons que cette signification doit se faire par principe à personne en application des dispositions de l’article 654 du même code.
Toutefois, si une telle signification à personne s’avère impossible et ce, en dépit des diligences accomplies par le commissaire de justice pour ce faire, l’article 655 du code de procédure civile prévoit une signification à domicile ou à résidence.
Toute la question est de savoir si cette modalité de signification à domicile d’une convocation au conseil de discipline compte tenu d’une impossible signification à personne a pour effet de faire courir le délai de 15 jours à la même date, à savoir dès la signification acquise.
C’est cette question de droit qui a récemment été jugée par le Tribunal Administratif de RENNES[4] dans une affaire opposant un employeur public à l’un de ses agents.
Les faits sont les suivants :
Un centre hospitalier emploie un infirmier dans l’une de ses unités de psychiatrie. Ce dernier a été poursuivi dans le cadre d’une action disciplinaire en raison de différents manquements. Il lui était principalement reproché d’avoir entretenu une relation intime inappropriée avec une patiente vulnérable en raison de son état de santé mentale. Il lui était en outre fait grief d’avoir méconnu ses obligations légales et déontologiques liées au secret en matière médicale en consultant près de 400 fois le dossier de la patiente sur une période de moins de deux mois. Il était enfin poursuivi pour avoir manqué à son obligation d’obéissance hiérarchique en ne déférant pas à l’ordre donné de cesser son comportement inapproprié vis-à-vis de cette patiente.
Pour l’ensemble de ces fautes, l’agent a comparu devant le conseil de discipline.
Convoqué une première fois en pleine période de pandémie COVID, ce conseil de discipline a été reporté et ce, à la demande du conseil de l’agent.
Ce dernier a été convoqué une nouvelle fois le 16 juin 2020 dans le cadre d’une signification par exploit d’huissier pour un conseil devant se tenir le 1er juillet suivant. En l’absence de l’agent, cette signification s’est faite à domicile, ce dernier ayant effectivement retiré sa convocation le 17 juin 2020 soit 14 jours avant la tenue dudit conseil.
Le conseil de discipline a émis un avis favorable à la révocation demandée par le Centre Hospitalier.
Par une décision du 10 juillet 2020, le directeur du centre hospitalier a prononcé la révocation de l’agent.
Ce litige n’a pas posé de difficulté de fond dès lors que les faits poursuivis ont été jugés établis et la sanction proportionnée.
Tout le débat juridique était donc centré sur le fait de savoir si le point de départ de la computation du délai de convocation de l’agent était bien le 16 juin 2020 comme le soutenait l’établissement défendeur compte tenu de la signification à domicile de la convocation.
La Juridiction Bretonne a suivi le cabinet dans son argumentation et a jugé « qu’en cas de signification à domicile avec dépôt de la copie de l’acte à l’étude de l’huissier de justice, la date de signification est celle du jour de la présentation de l’huissier de justice au domicile du destinataire et non celle à laquelle le destinataire a effectivement retiré l’acte à l’étude de l’huissier. »
Il a par conséquent rejeté la requête de l’infirmier requérant.
C’est ici une réponse importante vis-à-vis de la gestion des délais de convocation des agents devant un conseil de discipline.
Si par prudence, il convient de se ménager une marge de sécurité en la matière, nombre d’employeurs publics savent combien il est parfois difficile de convoquer l’agent plus de 15 jours avant la date de son conseil pour des raisons circonstancielles.
Une journée peut dans ces conditions s’avérer aussi précieuse que décisive en cas de contentieux secondaire, comme c’est souvent le cas en matière disciplinaire.
Il importe donc que les employeurs publics puissent prendre en compte cet aspect propre à la convocation de l’agent devant un conseil de discipline par signification de commissaire de justice dans la gestion des délais de convocation.
C’est ici assurément la meilleure façon de contrôler et donc de sécuriser le respect de ce délai au lourdes conséquences potentielles en termes d’annulation notamment, y compris lorsque la sanction est par ailleurs parfaitement jugée fondée et proportionnée.
[1] Par analogie, il convient de citer ici le décret n° 89-677 pour la fonction publique territoriale et n°84-961 pour la fonction publique d’État.
[2] CE n°416818, 24 juillet 2019.
[3] Il convient de noter que depuis le 01 juillet 2022, les huissiers de justices sont devenus les commissaires de justice et en application de l’article 23 de l’ordonnance n°2016-728, dans tous les textes législatifs, la référence aux huissiers de justice désigne les commissaires de justice.
[4] TA de RENNES, n°2003855, 24 février 2023.