Article rédigé par Jean-Eric CORILLION, Avocat senior et Guillaume LE TORTOREC, Alternant au Cabinet Coudray
Un arrêt rendu le 13 novembre 2023 par le Conseil d’État précise le cadre dans lequel la tierce-opposition peut être admise, en la refusant en présence d’intérêts similaires dans le cadre d’une procédure de contravention de grande voirie.
Le Conseil d’État, dans cette affaire a refusé la tierce-opposition d’un syndicat se pourvoyant en cassation à l’encontre d’une décision de la Cour administrative d’appel de Marseille ayant rejeté sa requête en tierce-opposition.
Le litige portait, en l’espèce, sur une occupation sans titre du domaine public d’une société ayant donné lieu à une contravention de grande voirie. Le tribunal administratif de Nice a condamné cette société à évacuer les lieux irrégulièrement occupés et à démolir une portion des ouvrages et installations.
Le Conseil d’État rappelle tout d’abord la réglementation relative à la tierce-opposition :
« Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu’elle représente n’ont été présents ou régulièrement appelés dans l’instance ayant abouti à cette décision » (Article R.832-1 code de justice administrative).
Ce rappel opéré, il pose le considérant de principe applicable en la matière (voir notamment : CE, 23n décembre 2010, n° 306544) :
« 3. Lorsqu’il est saisi par le préfet d’un procès-verbal constatant une occupation irrégulière du domaine public, et alors même que la transmission n’est ni assortie, ni suivie de la présentation de conclusions tendant à faire cesser l’occupation irrégulière et à remettre le domaine public en l’état, le juge de la contravention de grande voirie est tenu d’y faire droit sous la seule réserve que des intérêts généraux, tenant notamment aux nécessités de l’ordre public, n’y fassent obstacle. »
En d’autres termes :
Eu égard au caractère objectif de ce type de contentieux, la requête en tierce-opposition d’un syndicat est sans conséquence sur l’instance, et c’est le sens de la décision commentée :
« 4. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que le syndicat de la copropriété ” La Joie de Vivre ” n’a été ni présent, ni régulièrement mis en cause dans l’instance qui a donné lieu à l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 16 novembre 2018. Au soutien de la requête en tierce opposition qu’il a formée devant cette cour, ce syndicat soutenait que ses intérêts ne concordaient pas, dans l’instance de contravention de grande voirie, avec ceux de la société Westmead Production, propriétaire du lot n°1, dès lors que la destruction des ouvrages implantés sans autorisation sur le domaine public maritime était susceptible d’avoir des conséquences sur les parties communes de la copropriété, en particulier sur un mur de soutènement commun à tous les lots. Toutefois, dès lors qu’il ne pouvait, ainsi qu’il découle de ce qui est dit au point 3, utilement se prévaloir, pour contester le jugement du tribunal administratif de Nice prescrivant la remise en état du domaine public, de ce que cette remise en état était susceptible de porter atteinte à ses propres intérêts privés, le syndicat de copropriété n’est pas fondé à soutenir que la cour administrative d’appel de Marseille aurait entaché son arrêt d’erreur de droit ou d’erreur de qualification juridique des faits en jugeant que, dans l’instance en cause, ses intérêts et ceux de la société Westmead Production étaient concordants, pour en déduire qu’il devait être regardé comme ayant été représenté en appel par cette société, au sens de l’article R. 832-1 du code de justice administrative »
Ce faisant, le Conseil d’État limite l’intervention des tiers dans les litiges relatifs à la conservation du domaine public.
La décision : CE, 13 novembre 2023, Société Westmead Production, n°474211