Le transfert d’une dépendance du domaine public autoroutier dans les voiries communales, communautaires et départementales ne constitue pas un transfert de compétence de l’État à une collectivité territoriale.
Par une décision en date du 21 décembre 2018, le Conseil d’État a précisé les modalités d’application des articles L. 122-5 et R. 122-2 du code de la voirie routière qui permettent à l’État de classer par décret une portion d’autoroute dans le domaine public routier d’une commune ou d’un département.
Au cas d’espèce, pour procéder à l’élargissement d’une portion de l’autoroute A63, l’État en a concédé à la société ATLANDES le financement, la conception, l’aménagement, l’élargissement, l’entretien, l’exploitation et la maintenance.
Parmi les obligations mises à la charge du concessionnaire figurait l’achèvement de la réalisation de l’itinéraire de substitution parallèle à cette autoroute et la mise à niveau des voies.
A l’issue de la mise à niveau de cet itinéraire de substitution, l’État a prononcé par décret en Conseil d’État (Décret du 13 mars 2018, JORF n°0062 du 15 mars 2018 texte n° 59) :
Le département des Landes a demandé l’annulation de ce décret et le Conseil d’État a rejeté sa requête.
L’apport essentiel de cette décision réside dans l’affirmation que le transfert d’une voie du domaine public autoroutier national à un domaine public routier local ne constitue pas un transfert de compétence de l’État à une collectivité territoriale au sens des dispositions de l’article L. 1614-1 et suivants du code général des collectivités territoriales (CGCT).
Rappelons qu’en vertu de ces dispositions le transfert d’une compétence de l’État aux collectivités territoriales donne lieu, lorsqu’il induit un accroissement net de charges pour ces dernières, au transfert concomitant des ressources nécessaires à l’exercice normal de cette compétence.
En refusant d’appliquer le régime du transfert de compétence au reclassement du domaine public routier, le Conseil d’État en tire deux conséquences sur l’appréciation de la légalité du décret attaqué.
Concernant la légalité externe, tout d’abord, l’État n’était pas tenu de consulter la commission consultative sur l’évaluation des charges du Comité des finances locales comme l’impose l’article L. 1614-3 du CGCT pour constater le montant résultant de l’accroissement de charges pour la collectivité.
Concernant la légalité interne, ensuite, le décret contesté n’avait pas à prévoir d’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées par l’État à cette voie. Le Conseil d’État n’exclut pas que le département des Landes puisse solliciter une compensation financière de l’accroissement net de ses charges induit par le reclassement. Néanmoins cette possibilité est sans incidence sur la légalité d’un décret pris sur le fondement de l’article L. 122-5 du code de la voirie routière.
En définitive, il ressort de cette décision que, dès lors que le maintien d’une voie dans la voirie nationale ne se justifie plus en raison de l’ouverture d’une voie nouvelle ou du changement de tracé d’une voie existante, il sera particulièrement difficile pour une collectivité ou un EPCI de s’opposer à son reclassement dans son domaine public routier.
Cette difficulté est accrue en ce que l’État peut passer outre le désaccord de la collectivité en prononçant le classement par décret en Conseil d’État. En pareille hypothèse, il semble peu probable que le Conseil d’État annule un décret pour lequel il a émis un avis favorable.
CE, 21 décembre 2018, département des Landes, n° 420652