13avril 2022

Par sa décision SNC Sarcelles Investissement du 31 mars 2022, le Conseil d’État apporte de nouvelles précisions sur le délai « Czabaj » et assimile le titulaire d’une servitude établie sur le domaine public à un occupant de ce domaine. 

Afin de réaliser la construction d’une ligne de tramway, le département du Val-d’Oise a engagé des travaux de dévoiement d’un réseau de chauffage. Ces travaux ayant été réalisés sur un terrain occupé par la société Sarcelles Investissement, le Département a alors adressé un titre exécutoire à celle-ci afin de recouvrer aux frais engagés dans ces travaux.

A cette occasion, le Conseil d’Etat saisi par le département, réitère le régime contentieux des titres exécutoires omettant de préciser les voies et les délais de recours dans un premier temps, puis étend le principe énoncé en 1985 (CE, 6 décembre 1985, Gaz de France). Désormais, le titulaire d’une servitude de droit privé incorporé au domaine public doit se conformer aux sujétions liées aux travaux entrepris sur le domaine par son gestionnaire.

Extension et précision du délai « Czabaj »

Pour mémoire, le Conseil d’Etat dans sa décision Czabaj (CE, ass., 13 juillet 2016, n°387763) de manière prétorienne, impose un nouveau délai de forclusion qualifié de recours raisonnable.

Depuis, celui-ci a été largement étendu à divers domaines (travaux publics, décisions implicites de rejet, recours administratif préalable obligatoire, décisions pécuniaires) jusqu’à 2018 aux titres exécutoires (CE, 9 mars 2018, CA pays ajaccien, n°40138), extension réitérée par la décision commentée.

Ainsi, une décision administrative, telle qu’un titre exécutoire, ne précisant pas les voies et les délais de recours peut être contestée, par la voie de l’excès de pouvoir, dans un délai maximum d’un an sauf circonstance particulière.

Par ailleurs, dans la confusion, liée au partage de compétence entre les juges, le requérant avait saisi à tort le juge judiciaire et non le juge administratif. Le Conseil d’Etat en 2022 vient alors préciser que celui-ci « conserve le bénéfice de ce délai raisonnable dès lors qu’il a introduit cette instance avant son expiration. Un nouveau délai de deux mois est décompté à partir de la notification ou de la signification du jugement par lequel la juridiction judiciaire s’est déclarée incompétente ».

Ainsi, dans le cadre d’une saisine de la juridiction judiciaire, alors que le contentieux relevait de la compétence du juge administratif la présente décision précise ainsi ce qu’il convient d’entendre par « jugement irrévocable ». Pour être définitif, le jugement ne doit être insusceptible d’aucun recours, ce qui signifie qu’il l’est soit par épuisement des voies de recours soit par expiration des délais ouverts pour l’exercer. En conséquence, le requérant peut former un recours devant une juridiction administrative contre une décision administrative (ici un titre exécutoire) dans un délai de deux mois suivant la notification ou de la signification de la décision par laquelle la juridiction judiciaire s’est déclarée incompétente. Le pourvoi, en l’espèce, était toujours pendant devant la Cour de cassation.

Extension de la jurisprudence Gaz de France de 1985 au titulaire d’une servitude de droit privé établie sur le domaine public

Dans sa décision de 1985, le Conseil d’Etat posait le principe selon lequel « le titulaire d’une autorisation d’occupation du domaine public, doit quelle que soit sa qualité, supporter sans indemnité les frais de déplacement ou de modification des installations aménagées en vertu de cette autorisation lorsque ce déplacement est la conséquence de travaux entrepris dans l’intérêt du domaine public occupé et que ces travaux constituent une opération d’aménagement conforme à la destination de ce domaine ».

Depuis l’arrêt du 31 mars 2022, est désormais assimilé à un occupant régulier du domaine public le titulaire d’une servitude préconstituée sur un fond avant que celui-ci ne soit incorporé au domaine public, et ce, malgré l’absence de redevance domaniale.

En conséquence, ce titulaire doit se soumettre à l’obligation de « supporter les frais de déplacement des ouvrages implantés à raison de cette servitude, pour permettre l’exécution de travaux dans l’intérêt du domaine public et conformes à sa destination ».

Le texte de la décision

 

Cabinet Coudray
Jean-Éric CORILLION
Publié le 13/04/2022 dans # Veille juridique