21juin 2024

 

 

 

Le 17 juin 2024, le Tribunal des conflits a rendu deux décisions (C4312 et C4306) apportant des précisions sur la compétence juridictionnelle en matière de domaine public routier et de travaux publics en exécution d’un contrat de droit privé.

Première décision (C4312) :

Dans cette affaire, la Ville de Paris a demandé l’expulsion de la société Compagnie parisienne de services qui occupait sans droit ni titre un espace souterrain appartenant à la Ville.

Le Tribunal a basé son raisonnement sur l’interprétation des articles L. 2111-1 et L. 2111-14 du code général de la propriété des personnes publiques. L’article L. 2111-14 dispose que le domaine public routier comprend l’ensemble des biens appartenant à une personne publique et affectés aux besoins de la circulation terrestre.

Le Tribunal a considéré que l’espace de stationnement, bien qu’étant un souterrain, est considéré comme affecté aux besoins de la circulation terrestre car étant accessible aux véhicules terrestres à moteur circulant sur la voie publique et abritant des places de stationnement temporaire, ouvertes à tout automobiliste. Il appartient donc au domaine public routier de la Ville de Paris.

Après avoir qualifié l’espace souterrain comme faisant partie du domaine public routier de la Ville de Paris, le Tribunal des conflits a estimé que la demande d’expulsion formulée par la Ville de Paris relevait de la répression des infractions à la police de la conservation du domaine public routier.

Par conséquent, conformément à l’article L. 116-1 du code de la voirie routière, c’est la juridiction judiciaire qui est compétente pour connaître de cette demande.

 

Deuxième décision (C4306) :

Dans cette seconde affaire, Mme A… et M. B… ont demandé la condamnation de la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole (CULHSM) en réparation du préjudice qu’ils ont subis du fait des travaux que la communauté urbaine a effectués, ainsi que ceux qu’elle n’a pas effectués, sur leur propriété en exécution d’une vente avec charges consenties par l’intercommunalité dans le cadre de la réalisation des lignes de tramway de l’agglomération havraise.

Tout d’abord, le Tribunal rappelle le principe selon lequel s’il appartient à la juridiction administrative de statuer sur les actions en responsabilité dirigées par la victime, qu’elle ait la qualité de participant, d’usager ou de tiers, à l’encontre du maître de l’ouvrage ou des participants à l’exécution des travaux publics, il en va différemment lorsque le fondement de l’action engagée par la victime d’un dommage survenu à l’occasion de l’exécution de travaux publics réside dans un contrat de droit privé.

Ce principe posé, le Tribunal analyse la nature publique ou privée du contrat en cause en rappelant qu’une cession par une personne publique des biens immobiliers faisant partie de son domaine privé est en principe un contrat de droit privé, sauf si ce contrat a pour objet l’exécution d’un service public ou s’il comporte des clauses qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat, impliquent, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs.

Au cas présent, le contrat de cession imposait certes l’exécution de travaux publics par l’intercommunalité mais cette clause ne faisait pas naître entre les parties des droits et obligations étrangers par leur nature à ceux qui sont susceptibles d’être consentis par quiconque dans le cadre des lois civiles et commerciales.

Dès lors, l’action en responsabilité procède de l’exécution d’un contrat de droit privé emportant compétence du juge judiciaire.

Cabinet Coudray
Jean-Éric CORILLION
Publié le 21/06/2024 dans # Veille juridique