1décembre 2020

La DUP doit être compatible avec un SDAGE lorsqu’elle implique la construction d’ouvrages de gestion des eaux

Conseil d’État, 19 novembre 2020, n° 417362 mentionné aux tables du recueil Lebon

Les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) s’imposent aux décisions administratives dans le domaine de l’eau, qui doivent être compatibles avec ces documents.

L’article L. 212-1 XI du code de l’environnement dispose ainsi :

« Les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l’eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux ».

Le rapport de compatibilité n’exige pas une parfaite conformité de ces décisions au SDAGE mais implique néanmoins une absence de contradiction envers ces normes[1], appréciées au terme d’une analyse globale de tous les objectifs du SDAGE[2].

Si constituent notamment des décisions administratives dans le domaine de l’eau les décisions prises au titre de la police de l’eau[3], tel n’est pas le cas, en principe, des déclarations d’utilité publique (DUP)[4], à l’exception de celles qui concernent spécifiquement la réalisation d’un équipement hydraulique[5].

En conséquence, hormis cette hypothèse, le moyen tiré de ce que les travaux visés par la déclaration d’utilité publique ne seraient pas compatibles avec les SDAGE est traditionnellement écarté par le juge administratif.

Par un arrêt du 19 novembre 2020, le Conseil d’État est venu nuancer cette jurisprudence.

En l’espèce, une commune avait sollicité l’annulation du décret déclarant d’utilité publique les travaux de construction du contournement routier Est de Rouen et soulevait notamment un moyen tiré de l’incompatibilité de la DUP avec le SDAGE applicable.

Dans le cadre de l’examen de ce moyen, le Conseil d’État a tout d’abord rappelé le principe selon lequel :

« la déclaration d’utilité publique de travaux relatifs à un ouvrage routier ne constitue pas, du seul fait de son objet principal, une décision « dans le domaine de l’eau ».

Cependant, dès lors qu’en l’espèce le projet routier impliquait « la construction, l’aménagement et l’exploitation de plusieurs ouvrages spécifiquement destinés à permettre la rétention, l’écoulement ou le traitement des eaux, afin de prévenir les risques d’inondation ou de pollution des aquifères sensibles situés sur l’emprise ou au voisinage du projet », la Haute Juridiction a considéré qu’« eu égard à ces caractéristiques particulières » la DUP devait être regardée comme « une décision administrative dans le domaine de l’eau ».

Elle a donc accepté d’examiner la compatibilité du projet avec le SDAGE et en a déduit l’absence d’incompatibilité en l’occurrence, le maître d’ouvrage ayant prévu des mesures destinées à éviter, réduire et compenser les incidences tant en matière d’imperméabilisation des sols et de ruissellement que de protection des captages d’eau présents.

Au principe de l’absence de rapport de compatibilité d’une DUP avec le SDAGE, le Conseil d’État a donc apporté une exception pour les projets routiers impliquant des ouvrages spécifiques à la gestion des eaux.

Cette précision n’est pas sans conséquence pour les contentieux relatifs aux déclarations d’utilité publique de nombreux projets. Si elle vise en l’occurrence un projet routier, la décision pourrait également s’appliquer à tout projet d’aménagement comportant des ouvrages spécifiquement destinés à la gestion des eaux.

En conséquence, en présence d’une DUP, les maîtres d’ouvrage doivent s’assurer que leurs projets comportant des ouvrages hydrauliques sont compatibles avec les dispositions d’un SDAGE, et ce qu’ils soient ou non soumis à la réglementation Loi sur l’eau.

 

[1] CE, 17 décembre 1982, n° 38517 ; CE, 15 octobre 2007, n° 269301)

[2] CE, 21 novembre 2018, n° 408175 ; CE, 25 septembre 2019, n° 418658

[3] En application des articles L. 214-1 et suivants du code de l’environnement

[4] CE, 9 juin 2004, n° 254174 ; CE, 13 juillet 2011, n° 333718 ; CAA Nantes, 26 septembre 2014, n° 12NT00488 ; TA Nantes, 17 juillet 2015, n° 1307843

[5] CE, 10 novembre 2006, n° 275013

Cabinet Coudray Publié le 01/12/2020 dans # Veille juridique