7octobre 2021

Par Marie SAULNIER, Avocat senior et Marie HONORÉ, Juriste

L’exercice normal du pouvoir hiérarchique n’est plus susceptible de donner lieu à la qualification d’accident de service.

 Conseil d’état 27 septembre 2021 N°440983

C’est ce qu’est venue préciser la haute assemblée dans un arrêt remarqué du 27 septembre 2021, mentionné aux tables.

En l’espèce, un agent avait été reçu par sa supérieure hiérarchique pour son entretien annuel d’évaluation professionnelle à l’occasion duquel lui avaient notamment été reprochés la qualité de ses relations avec ses collègues, la tenue de propos xénophobes ainsi que des manquements à son devoir de neutralité. Dès le lendemain, l’agent avait présenté un arrêt de travail pour un syndrome anxio-dépressif majeur réactionnel, avec risque suicidaire, et avait sollicité la reconnaissance de l’imputabilité au service de cet arrêt de travail, laquelle lui avait été refusée par son ministère.

Tant en première instance qu’en appel, il a été enjoint à l’administration de reconnaitre l’imputabilité au service du syndrome dépressif réactionnel apparu chez l’agent consécutivement à l’entretien.

Saisi d’un pourvoi par le ministre des armées, le Conseil d’Etat a annulé ces décisions considérant que :

« 3. Constitue un accident de service, pour l’application des dispositions précitées, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l’occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d’apparition de celle-ci. Sauf à ce qu’il soit établi qu’il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l’exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d’évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d’être qualifié d’accident de service, quels que soient les effets qu’il a pu produire sur l’agent. »

Par cette décision, le Conseil d’Etat précise qu’un entretien « notamment » d’évaluation, dès lors qu’il se déroule dans des conditions n’excédant pas l’exercice normal du pouvoir hiérarchique, n’est pas susceptible de constituer un accident de service et ce quelles que soient les conséquences de cet entretien sur l’agent.

La haute assemblée précise en outre les contours de l’exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur à émettre des recommandations, des remarques, formuler des reproches et même initier des poursuites disciplinaires.

Aussi, ces éléments ne devraient eux aussi, à l’instar de l’entretien d’évaluation visé par la décision, plus pouvoir être qualifiés d’accidents de service et ce, quand bien même il en résulterait un état pathologique chez l’agent.

Ce faisant, le Conseil d’Etat vient mettre un coup d’arrêt à la jurisprudence qui, sans même examiner les conditions d’exercice du pouvoir hiérarchique, tendait à reconnaitre systématiquement le caractère d’accident de service à un évènement survenu à l’occasion du service impliquant un agent et son supérieur dès lors que cela emportait des conséquences sur son état de santé.

Cette décision ne pourra qu’être accueillie favorablement par les employeurs publics qui se trouvaient bridés dans l’exercice de leur pouvoir hiérarchique, craignant la reconnaissance d’un accident de service au moindre reproche formulé sur la manière de servir d’un agent, quand bien même ce reproche était fondé et formulé dans des conditions normales.

Cabinet Coudray Publié le 07/10/2021 dans # Veille juridique