23décembre 2020

La récente décision du préfet Lallement d’accorder la protection fonctionnelle aux quatre policiers mis en examen pour des faits de violence sur Michel Zecler a suscité de nombreux commentaires. L’occasion de revenir sur ce mécanisme qui a pu rencontrer une certaine incompréhension.

La protection fonctionnelle est prévue à l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dite loi Le Pors. Elle fait donc partie du statut général et, à ce titre, s’applique en principe à tous les fonctionnaires et agents contractuels de droit public. La plupart des élus locaux bénéficient d’une protection comparable, dans les conditions prévues par le code général des collectivités territoriales.

La protection fonctionnelle recouvre en réalité deux situations distinctes.

La première est celle dans laquelle l’agent est victime d’une infraction.

La protection fonctionnelle désigne alors les mesures que la personne publique employeur doit prendre pour protéger ses agents contre les atteintes dont ils peuvent être victimes dans l’exercice de leurs fonctions ou en raison de celles-ci. Sont concernées les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages.

Les mesures de protection incluent notamment l’assistance juridique, dont la prise en charge des frais d’avocat. Elles comprennent également la réparation des préjudices subis, sans avoir à attendre que la responsabilité de l’auteur soit reconnue par le juge compétent. Dans ce dernier cas, l’employeur public peut se retourner contre l’auteur des faits pour obtenir le paiement des indemnités qu’elle a versées.

Pour les agents, il s’agit d’un droit, qui ne peut être refusé qu’en cas de faute personnelle. La protection fonctionnelle peut également bénéficier au conjoint, aux enfants ou aux ascendants de l’agent public pour les atteintes dont ils sont victimes en raison des fonctions de celui-ci.

La seconde situation ouvrant droit à la protection fonctionnelle est celle dans laquelle il est reproché à l’agent d’être auteur d’une infraction ou d’une faute civile.

La protection fonctionnelle implique tout d’abord que l’agent ne peut voir sa responsabilité civile engagée par des tiers pour une faute de service (qu’elle constitue ou pas une infraction pénale) : seule la responsabilité de la collectivité publique peut être recherchée devant le juge administratif. Si malgré cette règle, la responsabilité civile de l’agent a été engagée, l’employeur public doit le couvrir des condamnations prononcées à son encontre.

La protection fonctionnelle vise ensuite les agents faisant l’objet de « poursuites pénales », ce terme désignant non seulement la comparution devant le juge répressif mais également la mise en examen, le placement sous statut de témoin assisté ou même la garde à vue.

En pratique, la protection fonctionnelle se traduit alors par la prise en charge des frais de la défense, soit par remboursement de l’agent soit par paiement direct de l’avocat, selon des conditions et modalités fixées par la réglementation.

Dans les deux cas, la protection fonctionnelle constitue un droit pour l’agent mis en cause : seule l’existence d’une « faute personnelle détachable de l’exercice des fonctions » permet à l’administration de la refuser. C’est précisément à l’occasion des recours portés devant les tribunaux administratifs contre de tels refus que la jurisprudence a précisé les contours de cette « faute personnelle détachable ».

Celle-ci correspond à trois types de faits (CE, 30 décembre 2015, Commune de Roquebrune-sur-Argens, n° 391798) : ceux qui révèlent des préoccupations d’ordre privé, ceux qui procèdent d’un comportement incompatible avec les obligations liées aux fonctions exercées ou ceux qui, eu égard à leur nature et aux conditions dans lesquelles ils ont été commis, présentent une particulière gravité. Dans ce dernier cas, l’appréciation de la « particulière gravité » tient notamment compte des fonctions de l’agent ainsi que des objectifs que ce dernier poursuivait (CE, 11 février 2015, Ministre de la justice c/ M. A, n° 372359).

Enfin, l’employeur public peut revenir sur sa décision d’accorder la protection fonctionnelle, en particulier si des éléments apparus postérieurement permettent de caractériser une faute personnelle détachable. La décision pourra alors, selon les cas, être retirée avec une portée rétroactive ou, plus couramment, abrogée pour l’avenir.

Cabinet Coudray Publié le 23/12/2020 dans # Veille juridique