La demande et la rectification des mentionnées erronées dans les fichiers de l’administration n’obéit à aucune procédure générale. Diverses procédures spéciales destinées à la rectification d’erreur commise par l’administration existent dans certains domaines spécifiques mais elles demeurent nettement circonscrites dans leur champ d’application.
Il en est ainsi de la rectification des erreurs et des omissions purement matérielles ou de l’annulation des actes d’état civil irrégulièrement établis, prévues par les articles 1046 et suivants du code de procédure civile. Il en est de même de la rectification des erreurs nées des déclarations des administrés eux-mêmes, par exemple en matière fiscale, ainsi que le prévoit l’article 1727 du code général des impôts.
L’article 16 du règlement n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personne (RGPD) prévoit encore la possibilité de demander et d’obtenir la rectification des données qui seraient erronées, toutefois, seules celles « à caractère personnel » sont concernées.
De cette façon, faute de procédure commune et adaptée, destinée à rectifier des informations erronées les concernant, les sollicitations des administrés peuvent ne pas trouver de réponse suffisamment rapide, et causer un trouble dans leurs conditions d’existence, désormais indemnisable.
C’est ainsi que la mention, fausse, dans le Système national du permis de conduire selon laquelle le permis de conduire d’une conductrice était annulé l’avait conduite à entreprendre diverses démarches tendant à ce que cette information soit rectifiée. L’erreur matérielle n’était pas contestée – en l’espèce la mention d’un jugement du tribunal de police annulant son permis – mais le nombre des démarches et le délai d’un an pour obtenir satisfaction ont conduit le Conseil d’État à reconnaître l’existence d’un préjudice.
Ce trouble dans les conditions d’existence paraît pouvoir être aisément caractérisé s’agissant d’une mention erronée dans ce fichier en particulier puisque chaque contrôle de son permis individuel aurait pu donner lieu à une poursuite sur cette base. C’était à cette occasion, d’ailleurs, que la requérante fit cette découverte, et que la procédure pénale la concernant fut finalement abandonnée. Néanmoins, cette solution apparaît transposable à chaque fichier de toutes les personnes publiques sur la base duquel des décisions administratives seraient prises.
Sans procédure législative ou réglementaire généralement applicable, il appartient donc à chaque administration de veiller à l’exactitude des mentions qui figurent dans ses fichiers et de rectifier promptement celles qui seraient erronées. À défaut de quoi, la multiplication des demandes d’un administré et le temps qu’il aura dédié à celles-ci pourra donner lieu à la réparation d’un préjudice, en l’espèce fixée à 1 000 euros :
« 7. Ainsi qu’il est dit au point 4, Mme A… a dû effectuer sur une durée d’un an des démarches nombreuses et répétées pour obtenir la rectification des mentions erronées relatives à sa situation dans le système national des permis de conduire. Elle a subi de ce fait des troubles dans ses conditions d’existence. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de lui accorder à ce titre une indemnité de 1 000 euros. Cette somme portera intérêts à compter du 22 mars 2019, date de réception de la demande préalable de Mme A…. La capitalisation des intérêts a été demandée pour prendre effet le 22 mars 2020, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière. Il y a lieu, dès lors, de faire droit à cette demande de capitalisation tant à cette date qu’à chaque échéance annuelle ultérieure. »
(CE, 25 juin 2024, n° 471252)
L’absence de procédure ad hoc pour rectifier les erreurs des fichiers administratifs n’exonère donc pas une administration d’en assurer l’exactitude, permettant tout à la fois l’adoption de décisions administratives régulières et d’éviter les demandes indemnitaires.