20décembre 2020

Suite à l’adoption de la loi ASAP, le 28 octobre dernier, le Conseil constitutionnel a estimé que les dispositions relatives à la commande publique n’étaient pas inconstitutionnelles. C’est l’occasion de revenir sur les principales évolutions que cette loi, publiée par la suite au JO le 8 décembre 2020, devrait apporter au code de la commande publique.

En vue d’accélérer « la dynamique en matière de simplification et d’efficacité administrative», et afin de « rapprocher les Français de leurs services publics et à libérer leurs énergies », le Gouvernement a déposé le 5 février 2020 un projet de loi dite « ASAP » (accélération et simplification de l’action publique). Cette loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020, comporte un certain nombre de mesures en matière de commande publique.

L’article 131 de cette loi prévoit ainsi :

  • D’étendre la possibilité de déroger aux règles de publicité et de mise en concurrence (actuellement limitée à l’existence d’une première procédure infructueuse, d’une urgence particulière, ou lorsque l’objet ou la valeur estimée du marché le justifient) pour un motif d’intérêt général, y compris pour les marchés de défense et de sécurité et les concessions ;
  • De limiter les exclusions de plein droit pour les personnes admises à la procédure de redressement judiciaire aux seuls opérateurs qui ne bénéficient pas d’un plan de redressement, ou qui ne justifient pas avoir été habilités à poursuivre leurs activités durant la durée prévisible d’exécution, aussi bien pour les marchés que pour les concessions ;
  • D’imposer aux acheteurs de tenir compte, dans les critères d’attributions des marchés globaux, de la part d’exécution du marché que le soumissionnaire s’engage à confier à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans, ainsi que de prévoir dans les documents de marché, cette part minimale d’exécution confiée à des PME ou des artisans ;
  • D’interdire à l’acheteur de résilier le marché au seul motif que l’opérateur a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire en cours d’exécution, en dehors des cas de résiliation de plein droit prévues en ce cas par le code de commerce (mise en demeure restée sans réponse pendant plus d’un mois, défaut de paiement), y compris pour les marchés de défense et de sécurité et les concessions.

Le législateur envisage en outre de codifier un nouveau titre destiné à consacrer la plupart des dispositions prévues par l’ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 qui est venue adapter les règles de passation et d’exécution des contrats soumis au code de la commande publique suite à l’épidémie de COVID-19. L’article 132 de la loi prévoit qu’en cas de circonstances exceptionnelles :

  • Lorsque l’acheteur ne peut respecter les modalités de mise en concurrence prévues par les DCE, il peut apporter à la procédure de passation des adaptations nécessaires à sa poursuite dans le respect du principe d’égalité de traitement des candidats, cela valant aussi bien pour les marchés que pour les concessions ;
  • L’acheteur peut prolonger d’une durée suffisante les délais de réception des candidatures et des offres pour les procédures en cours afin de permettre aux opérateurs de présenter leur candidature ou soumissionner, sauf lorsque les prestations objet du marché ou de la concession ne peuvent souffrir d’aucun retard ;
  • Les marchés ou les contrats de concession dont le terme intervient pendant la période de circonstances exceptionnelles peuvent être prolongés par avenant au-delà de la durée prévue par le contrat lorsque l’organisation d’une procédure de publicité et de mise en concurrence ne peut être mise en œuvre, et sans que cette durée puisse excéder la période de circonstances exceptionnelle augmentée de la durée nécessaire à la remise en concurrence à l’issue de cette période ;
  • Sauf stipulation contraire plus favorable au titulaire, lorsque ce dernier ne peut respecter le délai d’exécution d’une ou plusieurs obligations ou que cette exécution en temps et en heure ferait peser sur lui une charge manifestement excessive, le délai d’exécution est prolongé d’une durée équivalente à la période de non-respect du délai d’exécution résultant directement des circonstances exceptionnelles, à la demande du titulaire présentée avant l’expiration du délai contractuel et avant l’expiration de la période de circonstances exceptionnelles, cela valant aussi bien pour les marchés que pour les concessions ;
  • Sauf stipulation contraire plus favorable au titulaire, lorsque ce dernier est dans l’impossibilité d’exécuter tout ou partie d’un bon de commande d’un contrat, notamment lorsqu’il démontre qu’il ne dispose pas des moyens suffisants ou que leur mobilisation ferait peser sur lui une charge manifestement excessive, il ne peut être sanctionné ni se voir appliquer des pénalités contractuelles, ni voir sa responsabilité engagée pour ce motif, et par ailleurs, l’acheteur peut conclure un marché de substitution avec un tiers pour satisfaire ses besoins qui ne peuvent souffrir d’aucun retard, nonobstant toute clause d’exclusivité, et sans que le titulaire puisse engager la responsabilité contractuelle de l’acheteur, sans toutefois que ce marché de substitution soit exécuté aux frais et risques du titulaire initial.

L’article 140 étend en outre le champ d’application des marchés et concessions portant sur des services juridiques non soumis aux règles de préparation et de passation prévues au code de la commande publique aux marchés suivants (auparavant concernés par un régime de passation allégé) :

  • Les services juridiques de représentation légale d’un client par un avocat dans le cadre d’une procédure juridictionnelle devant les autorités publiques ou les institutions internationales ou dans le cadre d’un mode alternatif de règlement des conflits ;
  • Les services de consultation juridique fournis par un avocat en vue de la préparation de toute procédure juridictionnelle ou dans le cadre d’un mode alternatif de règlement des conflits, lorsqu’il existe des signes tangibles et de fortes probabilités que la question sur laquelle porte la consultation fera l’objet d’une telle procédure.

L’article 141 prévoit en outre que l’acheteur peut réserver un marché, ou un lot d’un marché aux entreprises adaptées et aux établissements et services d’aides par le travail, ainsi qu’aux structures équivalentes, lorsqu’ils emploient une proportion minimale de travaux handicapés qui ne peuvent exercer une activité professionnelle dans des conditions normales.

L’article 142 prévoit un relèvement du seuil de dispense de l’obligation de publicité et de mise en concurrence pour les marchés de travaux puisque jusqu’au 31 décembre 2022 inclus, les acheteurs pourront conclure des marchés de travaux sans publicité ni mise en concurrence préalable pour répondre à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 euros (cela valant aussi pour les petits lots).

Les articles 143 et 144 étendent enfin le champ d’application des marchés globaux sectoriels au profit de l’État et de la société du Grand Paris puisque :

  • L’État pourra confier à un opérateur économique une mission globale portant sur la conception, la construction, l’aménagement, l’exploitation, la maintenance ou l’entretien des infrastructures linéaires de transport de l’État, hors bâtiments ;
  • Les missions globales que la société du Grand Paris peut confier à un opérateur économique sont étendues aux missions de construction et de viabilisation immobilière qui ne sont pas directement liés à des infrastructures relevant de sa compétence, et qu’au titre de ces marchés globaux sectoriels, la société du Grand Paris peut confier au titulaire l’acquisition de biens nécessaires à la réalisation de l’opération.

 

La suite… demain !

Cabinet Coudray Publié le 20/12/2020 dans # Veille juridique