Dans cet arrêt, le Conseil d’État rappelle que la délégation de début de mandat prise par le conseil municipal au profit du maire en matière d’exercice du droit de préemption vaut même dans l’hypothèse où la commune ne reçoit elle-même délégation pour exercer ce droit (de la part de l’EPCI en l’occurrence) qu’ultérieurement.
Par une décision du 21 juillet 2015, le maire de La Croix Saint-Ouen a décidé de préempter les parcelles cadastrées section AD n° 129 et 130 sur le territoire de sa commune. Les acquéreurs évincés ont alors saisi le tribunal administratif d’Amiens. Celui-ci a annulé cette décision pour excès de pouvoir. Toutefois, son jugement a été annulé par la cour administrative d’appel de Douai.
Saisi, le Conseil d’État affirme qu’il résulte des articles L. 2122-22 et L. 2122-23 du Code général des collectivités territoriales et des articles L. 211-2 et L. 213-3 du Code de l’urbanisme « que le conseil municipal a la possibilité de déléguer au maire, pour la durée de son mandat, en conservant la faculté de mettre fin à tout moment à cette délégation, d’une part, l’exercice des droits de préemption dont la commune est titulaire ou délégataire, afin d’acquérir des biens au profit de celle-ci, et, d’autre part, le cas échéant aux conditions qu’il détermine, le pouvoir de déléguer l’exercice de ces droits à certaines personnes publiques ou au concessionnaire d’une opération d’aménagement à l’occasion de l’aliénation d’un bien particulier, pour permettre au délégataires de l’acquérir à son profit ».
La spécificité de cette affaire résulte dans le fait que le maire de La Croix Saint-Ouen s’était vu déléguer, par délibération du conseil municipal du 28 avril 2014, le pouvoir d’exercer les droits de préemption au nom de la commune. Or, cette délégation est intervenue près d’un an avant que la commune reçoive elle-même délégation du droit de préemption urbain par la communauté d’agglomération de la région de Compiègne.
Le Conseil d’État a jugé que le fait que la délibération du conseil municipal soit antérieure à la délégation de la communauté d’agglomération était sans incidence sur la compétence du maire en matière de droit de préemption.
Par ailleurs, un second apport doit être souligné dans cette décision. En s’appuyant sur les dispositions de l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme, le Conseil d’Etat reprend les principes posés dans son arrêt Société RD Machines outils (CE, 6 juin 2012, n°342328) en ce qu’il consacre l’obligation de réponse à un « intérêt général suffisant » dans le cadre de la mise en œuvre du DPU.
En l’espèce, les requérants estimaient que cette condition n’était pas remplie au regard de la disproportion entre la surface nécessaire au projet d’aménagement et la superficie du bien préempté. En effet, la liaison piétonne nécessitait une surface de 320 m² alors que la superficie totale des terrains préemptés était de 1 582 m².
Toutefois, le Conseil d’État écarte cette argumentation en considérant que, dès lors que l’opération projetée vise un intérêt général, la circonstance qu’il existe une disproportion entre la surface nécessaire et la surface préemptée n’a pas pour effet de rendre la décision de préemption illégale.