Cass. Civ.2ème, 9 novembre 2017, n°16-20404
Le régime d’affiliation des fonctionnaires territoriaux à temps non complet à la CNRACL jugée discriminatoire : explications et incidences.
En application de l’article 107 de la loi du 26 janvier 1984, un fonctionnaire à temps non complet ne peut être affilié à la CNRACL que s’il consacre à son service un nombre minimal d’heures de travail, lequel est fixé par délibération de cette caisse et ne peut être inférieur à la moitié de la durée légale du travail des fonctionnaires territoriaux à temps complet. Le seuil d’affiliation est aujourd’hui fixé à 28h.
En deçà de ce seuil, il est prévu que les fonctionnaires relèvent, notamment en matière d’assurance vieillesse, du régime général de la sécurité sociale (article 34 du décret n°91-298 du 20 mars 1991), beaucoup moins favorable que celui de la CNRACL. A titre d’exemple, il sera rappelé que le montant maximum de la pension est fixé à 50 % du plafond de la sécurité sociale applicable l’année du départ à la retraite du salarié.
Ce bref rappel liminaire de la situation des agents à temps non complet affilié au régime général de sécurité sociale permet de comprendre l’enjeu important qui s’attache à la portée de l’arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de Cassation.
Dans cette affaire, Mme X avait été recrutée par une commune en qualité d’agent spécialisé des écoles maternelles comme fonctionnaire stagiaire en 1986, puis titularisée en 1987.
Ayant été embauchée initialement pour effectuer une quotité d’heures de travail hebdomadaire inférieure au seuil d’affiliation de la CNRACL, alors en vigueur, elle avait été affiliée au régime général de sécurité sociale.
Ce n’est qu’à compter du 1er novembre 2000, qu’elle a pu obtenir son affiliation à la CNRACL dès lors qu’elle avait atteint le seuil d’affiliation à la caisse, alors fixé à 31h30, à compter de cette date.
En 2011, l’agent a demandé à cette caisse, outre la liquidation anticipée de sa retraite, son affiliation rétroactive à la caisse depuis 1987 jusqu’au 1er novembre 2000. La décision de rejet de ladite caisse a été contesté devant la juridiction de sécurité sociale. Le jugement de premier instance, défavorable, a fait l’objet d’un appel. Suite au rejet par la Cour d’appel de Lyon de sa requête, l’agent a demandé la cassation de l’arrêt d’appel devant la Cour de cassation.
Pour les fonctionnaires territoriaux à temps non complet ne pouvant être affiliés à la CNRACL, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt de cassation en date du 9 novembre 2017, a considéré que les dispositions précitées instituaient une discrimination indirecte dans l’accès à un régime professionnel de retraite, contraire au droit de l’Union européenne. En effet, alors que la cour d’appel avait considéré que le seuil légal minimum fixé par l’article 107 précité n’était pas discriminatoire dès lors qu’il s’appliquait indistinctement aux fonctionnaires masculins et féminins, la Cour de cassation a jugé du contraire aux visas de l’article 157 du TFUE et des articles 5 et 9 de la directive 2006/54/CE du 5 juillet 2006. Elle a en effet considéré que l’article 107 de la loi du 26 janvier 1984 avait institué une discrimination indirecte après avoir estimé que :
« (…) Attendu, selon ces textes, le premier tel qu’interprété par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 17 juillet 2014, n° C-173/13, Léone), que sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu’un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l’objectif invoqué et nécessaire à cet effet, ce qui exige qu’il réponde véritablement au souci d’atteindre ce dernier et qu’il soit mis en oeuvre de manière cohérente et systématique dans cette perspective, un régime professionnel de retraite ou de pension ne saurait comporter de discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe en particulier en ce qui concerne le champ d’application du régime et les conditions d’accès à celui-ci ; (…) ».
Au cas d’espèce, la Cour de cassation s’est attachée à vérifier que le dispositif d’affiliation à la CNRACL, apparemment neutre, ne préjudiciait pas davantage les femmes que les hommes. Se fondant sur la circonstance que les activités scolaires et périscolaires des écoles communales « recourent à une proportion élevée d’emplois à temps réduit plus fréquemment occupés par des femmes », elle juge que le dispositif, nullement justifié dans les conditions rappelées, engendrait une discrimination indirecte contraire au droit de l’Union européenne.
Cet arrêt revêt une portée considérable et entraînera des conséquences qui risquent de l’être tout autant pour les collectivités territoriales employant des agents titulaires à temps non complet et dont la quotité de travail ne permet pas l’affiliation à la CNRACL.
En effet, les fonctionnaires à temps non complet qui se sont vus, légalement, appliquer les règles d’affiliation à la CNRACL fixées par l’article 107 de la loi de 1984 aujourd’hui jugé discriminatoire risquent, forts de cette décision, de réclamer également leur affiliation rétroactive à la CNRACL, avec toutes les conséquences, notamment financières, qui s’y attachent.
Nul doute que l’arrêt de la Cour de cassation a ouvert une porte que les fonctionnaires concernés ne manqueront pas de pousser…