Par une ordonnance du 5 novembre 2024, le tribunal administratif de Lyon a considéré qu’une offre ne pouvait être qualifiée d’irrégulière au seul motif qu’elle dépassait le montant maximum de l’accord-cadre fixé dans le règlement de consultation (TA Lyon, 5 novembre 2024, n° 2410291).
Dans cette affaire, l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes a lancé un appel d’offres en mai 2024 en vue de l’attribution d’un marché public ayant pour objet la réalisation d’analyses d’eau. Le marché, structuré sous forme d’accord-cadre multi-attributaires, était divisé en lots distincts. Sa durée initiale était fixée à un an avec la possibilité de trois reconductions. Le montant maximum global avait été fixé à 29 400 000 € HT. Pour le lot n°10 concerné par le litige, le montant maximum était de 1 400 000 € HT.
Dans ce contexte, l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes a jugé que l’offre déposée par l’un des soumissionnaire était irrégulière au motif que son montant total sur quatre ans dépassait le plafond de l’accord-cadre.
La société a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Lyon sur le fondement des dispositions de l’article L. 551-1 du code de justice administrative (référé précontractuel) et demandé l’annulation de la décision par laquelle son offre a été rejetée.
Se fondant sur les dispositions des articles R. 2121-8 et R. 2162-4 du code de la commande publique, le juge lyonnais rappelle que les acheteurs doivent indiquer un montant maximal correspondant à la somme des prestations qui pourront être commandées aux termes de l’accord-cadre ; et peuvent également prévoir un montant minimum de prestations commandées.
NB1 : cette disposition avait fait l’objet d’une modification en ce sens après la décision CJUE, 17 juin 2021, aff. C-23/20, Simonsen Weel A/S c/ Region Nordjylland, par laquelle le juge européen avait censuré les accords-cadres dépourvus de valeur maximale dans l’avis de marché ou dans le cahier des charge.
Ensuite, le tribunal a classiquement rappelé que le règlement de la consultation d’un marché est obligatoire dans toutes ses mentions et que le pouvoir adjudicateur ne peut, dès lors, en application des articles L. 2152-1 et L. 2152-2 du code de la commande publique, attribuer le marché à un candidat qui ne respecterait pas une des prescriptions imposées par ce règlement.
Il a ensuite précisé, et c’est ici l’apport de cette décision, que toutefois, une offre ne pouvait être qualifiée d’irrégulière au seul motif qu’elle dépassait le montant maximum de l’accord-cadre fixé dans le règlement de consultation.
NB2 : pourtant, en mars 2024 le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble avait jugé qu’une offre devait être rejetée car irrégulière au motif que son montant dépassait le montant maximum de l’accord-cadre (TA Grenoble, ord., 6 mars 2024, n°2401055).
Il n’en demeure pas moins que, tirant les conclusions de son raisonnement, le tribunal administratif de Lyon a considéré que le rejet de l’offre de la requérante était illégal car motivé par le seul dépassement du montant maximal de l’accord-cadre sur quatre ans.
Cette décision est néanmoins motivée par la double circonstance que cette offre respectait le montant maximum pour la première année de l’accord-cadre et que le règlement de la consultation ne précisait pas que ce montant maximum incluait les années de reconduction. Pour le juge des référés, l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes avait donc fait une mauvaise application du règlement de la consultation en considérant le dépassement potentiel comme un motif de rejet.
En conclusion, l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes a été forcée de réexaminer l’offre écartée lequel réexamen a dû être effectué en reprenant l’analyse au stade de la vérification de la conformité des offres.
Ce jugement pose ainsi la première pierre d’un raisonnement général selon lequel le seul dépassement du montant maximal de l’accord-cadre n’est pas un motif d’irrégularité d’une offre, mais dans l’espèce tranchée, il existait encore un débat ouvert sur le montant maximum du marché.
Sans cela, la décision aurait pu être différente.
Toujours est-il que, si le Conseil d’État a déjà considéré qu’une offre ne saurait être regardée comme ne respectant pas les exigences d’un règlement de la consultation, au seul motif que son montant est inférieur au montant minimum de l’accord-cadre (CE, 24 décembre 2020, n°445078), une clarification du sort d’une offre dont le montant dépasse le montant maximum d’un accord-cadre serait opportune.