25avril 2022

Dans une décision du 24 mars 2022, n° 457733, le Conseil d’État affine les motifs d’exclusions facultatifs prévus aux articles L. 3123-8 et L. 3123-11 du code de la commande publique, considérant que la dénomination sociale d’un candidat, susceptible d’induire un risque de confusion avec une autre société candidate à l’attribution du même contrat, et quasi-éponyme, ne suffit pas à justifier son exclusion.

Par avis d’appel public à la concurrence, la commune de Ramatuelle, concessionnaire de la plage de Pampelonne, a lancé une consultation en vue de l’attribution d’une sous-concession portant sur l’exploitation d’un établissement balnéaire, pour la période allant de 2022 à 2030.

La société « EPI plage de Pampelonne » a soumissionné à cette procédure mais a été informée du rejet de son offre arrivée en deuxième position, et de ce que la sous-concession a été attribuée à la société quasi-éponyme, « EPI ».

Ce candidat ainsi évincé a réussi à obtenir du tribunal administratif de Toulon, sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, l’annulation de cette procédure.

Le juge des référés a en effet exposé dans son ordonnance que la dénomination sociale de la société EPI, attributaire pressenti du contrat de sous-concession, créait un « grave risque de confusion » avec la société détenant l’hôtel du même nom, actionnaire unique de la société EPI plage de Pampelonne, eu égard à la forte notoriété de cet établissement, d’ailleurs titulaire de la marque « EPI Plage ».

Il en a alors déduit que l’autorité concédante aurait dû exclure la société EPI de la procédure de passation ou, à tout le moins, solliciter ses observations sur le fondement de l’article L. 3123-11 du code de la commande publique.

Face à cette décision, l’attributaire, la société EPI, se pourvoit en cassation.

Les juges du Palais Royal rappellent d’abord les dispositions des articles L. 3123-8 et L. 3123-11 du code de la commande publique, selon lesquelles, pour mémoire :

« L’autorité concédante peut exclure de la procédure de passation d’un contrat de concession les personnes qui ont entrepris d’influer indûment le processus décisionnel de l’autorité concédante ou d’obtenir des informations confidentielles susceptibles de leur donner un avantage indu lors de la procédure de passation du contrat de concession, ou fourni des informations trompeuses susceptibles d’avoir une influence déterminante sur les décisions d’exclusion, de sélection ou d’attribution. »

 Et, 

« L’autorité concédante qui envisage d’exclure un opérateur économique en application de la présente sous-section doit le mettre à même de présenter ses observations, d’établir dans un délai raisonnable et par tout moyen qu’il a pris les mesures nécessaires pour corriger les manquements précédemment énoncés et, le cas échéant, que sa participation à la procédure de passation du contrat de concession n’est pas susceptible de porter atteinte à l’égalité de traitement. »

Les hauts-conseillers reviennent à cette occasion sur la logique posée par ces dispositions :

Il s’agit de permettre à l’autorité concédante d’exclure de la procédure de passation d’un contrat de concession un candidat pouvant être regardé, au vu d’éléments précis et circonstanciés, comme ayant entrepris d’influencer la prise de décision de l’acheteur.

Pour pouvoir valablement être écarté de la procédure, ce dernier doit également ne pas avoir établi, en réponse à la demande que l’acheteur lui a adressée à cette fin, que son professionnalisme et sa fiabilité ne peuvent plus être mis en cause et que sa participation à la procédure n’est pas de nature à porter atteinte à l’égalité de traitement entre les candidats.

Ensuite, affinant la lecture de ces dispositions, et appliquées à la situation dans laquelle deux candidats présentent une dénomination sociale quasi identique, le juge de cassation considère que le choix par un opérateur économique d’une dénomination sociale ne saurait justifier son exclusion au seul motif qu’elle est susceptible d’induire un risque de confusion avec une autre société candidate.

En jugeant dans le sens contraire, les juges des référés du tribunal administratif de Toulon ont entaché leur ordonnance d’une erreur de droit.

Néanmoins, jugeant l’affaire au fond, la Haute juridiction a annulé la procédure attaquée considérant que l’offre de la société EPI, faute de respecter les stipulations du cahier des charges techniques, était irrégulière et que, en omettant d’éliminer une offre qui ne respectait pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, la commune de Ramatuelle a manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence.

Par conséquent, l’ordonnance visée est censurée et la procédure de passation de la sous-concession de la plage de Pampelonne annulée au stade de l’examen des offres.

 

Décision du 24 mars 2022, n° 457733

Cabinet Coudray
Guillaume EMÉLIEN
Publié le 25/04/2022 dans # Veille juridique