14décembre 2022

Dans une décision du 2 novembre 2022, n° 464479, la Haute juridiction administrative précise les conditions dans lesquelles un candidat doit être exclu à raison de sa condamnation pénale.

Pour rappel, le code de la commande publique dresse aux articles L. 2141-1 à L. 2141-6 la liste exhaustive des motifs pour lesquels la candidature d’un opérateur économique doit être exclue de plein de droit des procédures de passation des marchés publics :

« Sont exclues de la procédure de passation des marchés les personnes qui ont fait l’objet d’une condamnation définitive pour l’une des infractions prévues aux articles 222-34 à 222-40, 225-4-1, 225-4-7, 313-1,313-3, 314-1,  324-1,324-5,324-6,421-1 à 421-2-4,421-5,432-10,432-11,432-12 à 432-16, 433-1,433-2, 434-9, 434-9-1, 435-3, 435-4, 435-9, 435-10, 441-1 à 441-7, 441-9,445-1 à 445-2-1 ou 450-1 du Code pénal, aux articles 1741 à 1743,1746 ou 1747 du Code général des impôts, ou pour recel de telles infractions, ainsi que pour les infractions équivalentes prévues par la législation d’un autre État membre de l’Union européenne » (code de la commande publique, article L. 2141-1).

Cette disposition indique expressément que la condamnation doit avoir été définitivement prononcée pour que le candidat concerné puisse être exclu de la procédure de passation, tandis que la rédaction du 3° de l’article L. 2141-4 de code, relatif au cas précis de la peine d’exclusion des marchés prononcée par le juge, n’intègre pas cette précision, si bien qu’une difficulté d’interprétation pouvait exister pour les praticiens s’agissant de l’usage de ce motif d’exclusion.

Dans sa décision du 2 novembre 2022, le Conseil d’État tranche ainsi cette divergence de rédaction et fait prévaloir l’interprétation stricte en considérant qu’un candidat à l’attribution d’un marché public ne peut être exclu de la consultation à raison d’un jugement le condamnant à une peine d’exclusion des marchés publics alors que ce jugement est non exécutoire car frappé d’appel.

En l’espèce, le ministère des armées avait lancé une consultation pour la passation d’un accord-cadre de défense et de sécurité ayant pour objet l’acquisition d’heures de vol, sans équipage, sur hélicoptère civil H225. L’analyse des candidatures effectuée, le ministère des armées avait notifié à la société ICARE le rejet de sa candidature au motif qu’elle faisait l’objet d’une peine d’exclusion des marchés publics prononcée par le tribunal correctionnel de Paris le 29 juin 2021.

La société ICARE a formé un référé précontractuel et demandé au juge des référés du tribunal administratif de Versailles d’annuler la décision du ministère par laquelle sa candidature a été rejetée, laquelle juridiction a fait droit à sa demande et a enjoint au ministère de reprendre la procédure de passation au stade de l’examen des candidatures.

Le ministère des armées a formé un pourvoi à l’encontre de cette ordonnance.

C’est dans ce cadre que le Conseil d’État a d’abord rappelé qu’en application de l’article L. 2141-4 du code de la commande publique, sont exclus des procédures de passation les opérateurs économiques qui ont été condamnés au titre 5° de l’article 131-39 du code pénal : les personnes morales condamnées à une peine d’exclusion des marchés publics.

Ensuite, les Hauts Conseillers rappellent que l’article 506 du code de procédure pénale prévoit qu’il est sursis à l’exécution du jugement en matière correctionnelle pendant les délais d’appel et durant l’instance d’appel.

Ainsi, par une lecture combinée de ces dispositions, il a strictement considéré qu’une personne condamnée pénalement en première instance, mais faisant l’objet d’un appel ne pouvait être exclue, pour ce motif, de la procédure de passation du marché.

Par cette décision, le Conseil d’État adopte une solution contraire à un jugement rendu quelques mois plus tôt par le tribunal administratif de Pau selon lequel l’appel d’un jugement excluant d’un marché public n’empêche pas l’exécution dudit jugement (TA Pau, 21 mars 2022, n°2200424).

 

Cabinet Coudray
Guillaume EMÉLIEN
Publié le 14/12/2022 dans # Veille juridique