La crise sanitaire actuelle peut imposer le report de délais d’exécution de travaux lorsque leur exécution est matériellement impossible, c’est-à-dire lorsque les individus intervenants sur le chantier, sous la responsabilité des titulaires des marchés, ne peuvent être considérés comme en « sécurité ».
Dans ce cadre, deux hypothèses sont envisageables :
Il est loisible au maître d’ouvrage de considérer que le chantier peut se poursuivre dans la mesure où les entreprises titulaires des marchés sont toujours en capacité d’exécuter leurs prestations.
Cela ressort des prises de positions gouvernementales allant dans le sens d’une responsabilisation des entreprises, ces dernières devant décider si les conditions de sécurité de leurs salariés sont respectées.
Dans ces conditions :
Le titulaire du marché peut très bien considérer qu’il n’est pas en mesure d’assurer la sécurité de ses salariés et informer alors le maître d’œuvre et/ou le maître d’ouvrage qu’il suspend l’exécution de ses prestations pour cas de force majeure.
Sur ce point, il convient à la maîtrise d’ouvrage et/ou la maîtrise d’œuvre d’inviter le titulaire à justifier de son impossibilité d’exécuter ses prestations et à organiser la sécurité de ses salariés.
S’ensuivent plusieurs conséquences :
Dans ce cadre, le titulaire du marché demande à suspendre le chantier et à prolonger les délais d’exécution en invoquant un cas de force majeure tenant à l’impossibilité d’assurer l’exécution de ses prestations (article 19.2 du CCAG-Travaux).
Ainsi, en synthèse :
Cette procédure ne prévoit pas d’indemnités au profit du titulaire même si celui-ci pourra produire un mémoire en réclamation indemnitaire sur lequel le maître d’ouvrage devra se positionner au regard des éléments présentés.
Il n’en reste pas moins que son préjudice sera difficile à établir, dès lors que le titulaire sera à l’initiative de cette prolongation et si, notamment, il a fermé son entreprise durant la période considérée.
Le maître d’ouvrage peut décider d’ajourner les travaux au sens des dispositions de l’article 49.1 du CCAG-Travaux, étant entendu que la jurisprudence administrative semble considérer qu’une « suspension » des travaux décidée par le représentant du pouvoir adjudicateur vaut décision d’ajournement (CAA Lyon, 31 janvier 2019, req. n° 16LY03829).
D’emblée, il sera fait remarquer que cet ajournement des travaux ne suspend pas l’application des clauses du marché liant le pouvoir adjudicateur au titulaire et implique toujours, en conséquence, d’assurer un suivi administratif du chantier (déclaration de sous-traitance, paiement des avances…).
Ensuite, cette procédure n’est pas obligatoire dans la mesure où il appartient au titulaire, s’il estime que la sécurité de ses salariés est en cause, de prendre les mesures nécessaires, en avertissant le maître d’œuvre, le cas échéant le coordinateur SPS, et le maître de l’ouvrage.
Cette procédure implique plusieurs conséquences :
Les conditions d’indemnisations, dans cette hypothèse, semblent bien restrictives puisque, à la lecture de l’article 49.1.1 du CCAG-Travaux, l’ajournement de chantier permettra à un titulaire de marché public de prétendre à l’indemnisation de son préjudice si et seulement s’il est celui qui assure la garde et de la surveillance du chantier.
Sur ce point :
Cependant, la fermeture de l’entreprise durant cette période semble exclure toute indemnisation liée aux frais d’immobilisation de matériels et de personnel (CAA Nantes, 28 juillet 2015, req. n° 13NT01133).
Enfin, rien n’empêche aux autres titulaires du chantier de produire un mémoire en réclamation relatif à leurs propres préjudices même s’ils n’ont pas la garde du chantier dans la mesure où il visera à réparer les conséquences de l’ajournement édicté par le maître d’ouvrage.
Il appartiendra dans ce cas à l’entreprise d’apporter la preuve qu’elle pouvait toujours intervenir sur le chantier malgré la situation de crise sanitaire et en respectant les mesures gouvernementales.
En conclusion, il conviendra de prendre la mesure des enjeux de chaque chantier afin de savoir si :