Rédigé par Maître Guillaume GEFFROY, Avocat senior et Monsieur Corentin BROZILLE, Juriste au Cabinet Coudray UrbanLaw
Note sous C.E., 31 oct. 2024, nᵒ 488920, Société Bureau Véritas Construction : Lebon T.
Le Conseil d’état précise, par une décision du 31 octobre 2024, les conditions du versement d’un indemnité au titre de l’assurance dommages-ouvrage pour des désordres réservés lors de la réception des travaux (C.E., 31 oct. 2024, nᵒ 488920, Société Bureau Véritas Construction : Lebon T.).
Après réception des travaux de réhabilitation et d’extension du stade couvert régional et du centre régional d’accueil et de formation en complexe sportif à Liévin, apparurent différents dommages. Le maitre d’ouvrage déclara, auprès de son assureur dommages-ouvrage, les différents sinistres. Suivant la procédure habituelle en cette matière, l’assureur indemnisa le maître de l’ouvrage — et notamment paya les travaux de réparation.
L’assureur, subrogé dans les droits de son assuré, demandait au juge administratif à être indemnisé par les constructeurs responsables. Le tribunal administratif de Lille, en première instance, puis la cour administrative d’appel de Douai, en appel, firent droit à la demande de la société d’assurance (partiellement puis intégralement).
Saisi comme juge de cassation, les juges du Palais-Royal tranchaient, par la décision ici commentée, la question de savoir si l’assureur dommages-ouvrage doit indemniser des désordres réservés lors de la réception.
Par deux considérants forts clairs, il rappelle le champ d’application de l’assurance dommages-ouvrage, et les conditions de versement d’une indemnité par l’assureur. En application de l’article L 242-1 du code des assurances, l’indemnité d’assurance doit être versée pour trois catégories de désordres.
D’abord, la garantie dommages-ouvrage couvre, en principe, le plus usuellement, les désordres, non réservés, apparus dans la période qui s’écoule entre l’expiration du délai de la garantie de parfait achèvement (un an après la réception des travaux) et l’expiration d’un délai de dix ans après la réception.
Plus exceptionnellement ensuite, elle concerne les désordres survenus avant la réception, sous réserve que le contrat de louage ait fait l’objet d’une résiliation pour inexécution, après une mise en demeure restée infructueuse ; ainsi que, comme en l’espèce, les dommages, réserves à la réception ou apparus durant le délai de parfait achèvement, à la condition procédurale néanmoins que, mis et demeure, l’entrepreneur refusa de reprendre ces désordres — c’est-à-dire refusa d’exécuter ses obligations contractuelles.
Pour ce dernier cas, le Conseil d’état interprète le texte le plus littéralement possible : le code des assurances ne conditionne pas le versent de l’indemnité à l’absence de réserve lors de la réception.
Il conclut par conséquent sur ce point :
« [L]a seule circonstance que les désordres aient fait l’objet de réserves lors de la réception des travaux, ce qui a pour effet de maintenir l’obligation contractuelle des constructeurs d’y remédier, ne fait pas obstacle à ce que l’assureur verse, en exécution de l’assurance dommages ouvrage, à son assuré une indemnité correspondant au coût des réparations nécessaires » (C.E., 31 oct. 2024, nᵒ 488920, Société Bureau Véritas Construction : Lebon T., cons. 5).
Jurisprudences administratives et judiciaire se rejoignent ainsi (not. Cass. 3ᵉ civ., 1ᵉʳ avr. 2021, nᵒ 19-16.179 : Bull.).
Pour finir, le Conseil d’État casse, partiellement, l’arrêt de la cour en ce qui concerne un autre élément (la subrogation de l’assureur), et, validant en substance le raisonnent de cette dernière, lui laisse le soin de régler l’affaire sur cet élément (seulement).
Peu iconoclaste, cet arrêt offre néanmoins l’occasion utile de se ramener à l’esprit que les maître d’ouvrage peuvent actionner l’assurance dommages-ouvrage hors le cas classique de désordre de nature décennale apparu après réception des travaux.
Cet outil est donc particulièrement intéressant pour les maîtres d’ouvrages afin d’obtenir rapidement un préfinancement des travaux en cas de désordre de nature décennale sur l’ouvrage, même réservé à la réception ou dénoncé durant le délai de garantie de parfait achèvement.