23février 2023

Par une récente décision du 14 février 2023, n°460527, le Conseil d’État rappelle que les marchés publics conclus par les sociétés publiques locales ne sont pas automatiquement des contrats administratifs.

 

Dans cette affaire, la société publique locale pour l’aménagement numérique de la Guyane (ci-après, « SPLANG ») a engagé en 2016 une procédure de dialogue compétitif en vue de l’attribution d’un marché à bons de commande de fournitures et de services de continuité opérationnelle des installations satellitaires et hertziennes qu’elle gère.

À l’issue de cette procédure, après avoir analysé les mérites respectifs des offres soumises, la SPLANG a attribué ce marché avec la société Marlink et rejeté l’offre de la société Guyacom.

Saisi par la société Guyacom de demandes en annulation du marché ainsi conclu et en indemnisation du préjudice qu’elle estime avoir subi du fait de son éviction irrégulière, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté ce recours. La cour administrative d’appel de Bordeaux a également rejeté ces demandes par un arrêt contre lequel la société Guyacom s’est pourvu en cassation.

Ce pourvoi donne lieu à une utile décision de la Haute juridiction administrative illustrant parfaitement la logique derrière la détermination de la nature des marchés publics conclus par les SPL.

Pour ce faire, les juges du Palais Royal visent d’abord les dispositions de l’article 3 de l’ordonnance du 25 juillet 2015 relative aux marchés publics alors en vigueur, et désormais reprises à l’article L. 6 du code de la commande publique, selon lesquelles les marchés publics relevant de cette ordonnance sont des contrats administratifs lorsqu’ils sont passés par des personnes morales de droit public.

« S’ils sont conclus par des personnes morales de droit public, les contrats relevant du présent code sont des contrats administratifs » (code de la commande publique, art. L. 6).

Ensuite, les hauts conseillers constatent que, créée par la région Guyane et une communauté d’agglomération sur le fondement de l’article L. 1531-1, la SPLANG est une SA, personne morale de droit privé, dont la vocation légale est de se voir confier des missions par ses créatrices et rappelle ainsi qu’une telle structure ne peut être considérée comme transparente par application des critères jurisprudentiels (CE, 4 mars 2021, n°437232).

Aussi, bien que contrôlée par des personnes publiques, la personnalité morale de droit privé de cette SPL fait obstacle à ce que les marchés publics passés par elle entrent automatiquement dans le champ de définition légale des contrats administratifs.

« Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent créer des sociétés publiques locales dont elles détiennent le capital et qui revêtent la forme de société anonyme régie par le livre II du code de commerce » (code général des collectivités territoriales, art. L. 1531-1).

La nature des marchés publics conclus par une SPL dépend ainsi, in fine, du compte pour lequel de qui elle agit : si elle agit au nom et pour le compte de ses actionnaires, personnes publiques, dans le cadre d’un mandat, ses marchés publics sont des contrats administratifs ; à défaut, elle est réputée agir pour son propre compte et ses marchés publics relèvent du droit privé.

Or dans cette espèce, en attribuant à la société Marlink le marché en litige portant sur un service dont elle assure la gestion, la SPLANG a agi en son nom et pour son propre compte. Dès lors, les juges n’ont pu que constater que ce marché public ne présentait pas le caractère d’un contrat administratif, mais relevait du régime de droit privé et ainsi de la compétence du juge judiciaire.

Le Conseil d’État, cassant l’arrêt déféré, juge alors l’affaire au fond et rejette la demande de la société Guyacom comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

En somme, bien que ses actionnaires soient des personnes publiques, la SPL est une société anonyme, qui ne peut être considérée comme transparente, et reste une personne morale de droit privé dont les marchés publics ne relèvent pas par nature des contrats administratifs, sauf à agir au nom et pour le compte de son actionnariat public.

 

 

 

 

 

 

Cabinet Coudray
Guillaume EMÉLIEN
Publié le 23/02/2023 dans # Veille juridique