Par une décision du 4 juillet 2024, le Conseil Constitutionnel a déclaré inconstitutionnelles les dispositions de l’article L.134-4 du CGFP en ce qu’elles ne prévoient pas l’octroi de la protection fonctionnelle aux agents publics entendus sous le régime de l’audition libre.
Les agents publics, dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions, disposent d’une protection de la part de leur employeur : la protection fonctionnelle. Celle-ci est prévue aux articles L.134-1 et suivants du CGFP et est accordée dans différentes hypothèses à condition que les faits n’aient pas le caractère d’une faute personnelle détachable du service.
Plus spécifiquement, l’article L.134-4 du CGFP prévoit l’octroi de la protection fonctionnelle en cas de poursuites pénales, d’audition en qualité de témoin assisté, de placement en garde à vue, et de proposition de composition pénale :
« Lorsque l’agent public fait l’objet de poursuites pénales à raison de faits qui n’ont pas le caractère d’une faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions, la collectivité publique doit lui accorder sa protection.
L’agent public entendu en qualité de témoin assisté pour de tels faits bénéficie de cette protection.
La collectivité publique est également tenue de protéger l’agent public qui, à raison de tels faits, est placé en garde à vue ou se voit proposer une mesure de composition pénale. »
À l’occasion d’un litige portant sur le refus de protection fonctionnelle opposé par la rectrice de l’Académie de Normandie à l’un de ses agents ayant été entendu par les services de police sous le régime de l’audition libre, le requérant a soulevé une QPC.
Selon l’argumentation développée par le requérant, en n’incluant pas l’audition libre dans les cas d’octroi de la protection fonctionnelle, les dispositions de l’article L.134-4 du CGFP seraient contraires au principe d’égalité devant la loi reconnu par l’article 6 de la DDHC de 1789.
Sa QPC a été transmise par le tribunal administratif de Caen au Conseil d’État, puis par ce dernier au Conseil Constitutionnel par décision n°491324 du 26 avril 2024.
Le 4 juillet 2024, dans une décision n°2024-1098 QPC, le conseil Constitutionnel a donné raison au requérant en estimant que les dispositions de l’article L.134-4 du CGFP instauraient une différence de traitement entre les agents publics entendus sous le régime de l’audition libre et les autres, différence de traitement sans rapport avec l’objet de la loi et donc constitutive d’une méconnaissance du principe d’égalité devant la loi :
« 6. Les dispositions contestées prévoient que les agents publics bénéficient également de cette protection lorsque, pour de tels faits, ils sont entendus en qualité de témoin assisté, placés en garde à vue ou se voient proposer une mesure de composition pénale. En revanche, en sont exclus les agents publics entendus sous le régime de l’audition libre à raison de mêmes faits.
7. Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 20 avril 2016 mentionnée ci-dessus, qui est à l’origine de ces dispositions, que, en les adoptant, le législateur a entendu accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle aux agents publics mis en cause pénalement, y compris lorsqu’ils ne font pas l’objet de poursuites pénales, dans tous les cas où leur est reconnu le droit à l’assistance d’un avocat.
8. Or, l’article 61-1 du code de procédure pénale prévoit que la personne entendue librement a le droit d’être assistée au cours de son audition ou de sa confrontation par un avocat si l’infraction pour laquelle elle est entendue est un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement. Dès lors, la différence de traitement instituée par les dispositions contestées est sans rapport avec l’objet de la loi.
9. Par conséquent, ces dispositions méconnaissent le principe d’égalité devant la loi. Elles doivent donc être déclarées contraires à la Constitution. »
Le Conseil Constitutionnel a par conséquent déclaré inconstitutionnels les deux derniers alinéas de l’article L.134-4 du CGFP.
Par souci de préserver les droits des agents entendus en qualité de témoin assisté, placés en garde à vue, ou qui se voient proposer une composition pénale, le Conseil Constitutionnel a décidé de faire application de l’article 62 de la Constitution et de fixer la date d’abrogation de ces deux alinéas au 1er juillet 2025. Ils demeureront en vigueur jusqu’à cette date, sauf à ce que le législateur les abroge plus rapidement en adoptant de nouvelles dispositions législatives.
D’ici là, la décision du Conseil Constitutionnel précise que les employeurs publics sont désormais tenus d’octroyer la protection fonctionnelle aux agents entendus sous le régime de l’audition libre à raison de faits qui n’ont pas le caractère d’une faute personnelle détachable de l’exercice des fonctions.
La décision du Conseil Constitutionnel pourra enfin être invoquée dans toutes les affaires non définitivement jugées à la date du 4 juillet 2024.
Il s’agit d’un changement notable dont il convient que tous les employeurs publics et leurs agents tiennent compte dans leur application de la législation relative à la protection fonctionnelle.