19décembre 2023

 

 

 

Le Conseil d’État, dans une décision en date du 9 novembre 2023, n° 469673, est venu préciser les effets de la notification d’un décompte général irrégulier au titulaire d’un marché public de travaux.

Dans ce cadre, la Haute Juridiction précise, après avoir rappelé la procédure de décompte général et définitif tacite, que « Il résulte de ces stipulations que la notification au titulaire du marché d’un décompte général, même irrégulier, fait obstacle à l’établissement d’un décompte général et définitif tacite à l’initiative du titulaire dans les conditions prévues par l’article 13.4.4 de ce cahier ».

En l’espèce, il apparait que le maître d’œuvre avait, antérieurement à la tentative du titulaire de bénéficier d’un décompte général et définitif tacite, notifié un décompte général le 27 octobre 2016, contre lequel elle avait formé une réclamation le 25 novembre 2016.

Dès lors, le Conseil d’État considère que cette contestation d’un décompte général même irrégulier, puisqu’en principe notifié par le maître d’ouvrage, fait obstacle à la naissance d’un décompte général et définitif tacite.

Cette décision est à rapprocher de la jurisprudence établie considérant que dès lors que le titulaire du marché s’est vu notifier le décompte général et que celui-ci l’a contesté par le biais d’un mémoire en réclamation, l’irrégularité du décompte est « sans incidence sur le fait qu’il s’agit d’un véritable décompte » (CAA LYON, 18 septembre 2014, Société Nailler, n° 13LY01725). Cette solution pouvait d’ailleurs déjà se déduire de la jurisprudence antérieure du Conseil d’État (CE, 14 mai 2008, Société CMS Bessac, req. n° 288622 ; voir également : Conclusions de Monsieur Dacosta, rapporteur public, sous CE, 27 octobre 2010, Centre hospitalier des Quatre Villes, req. n° 332056).

Dans un cas similaire, le Tribunal administratif de Rennes (TA Rennes, 17 mai 2023, n° n° n°1903306 et 2004867) a récemment considéré que l’envoi d’un décompte général par le maître d’ouvrage pouvant être considéré comme irrégulier puisque faisant suite à un projet de décompte final prématuré adressé par le titulaire en l’absence de levée des réserves dans le cadre d’une réception « sous réserves », devait s’analyser comme une commune intention des parties de s’extraire des dispositions prévues aux documents du marché, c’est-à-dire des procédures de règlement des comptes prévues au CCAP et au CCAG Travaux, et de leur volonté de procéder au règlement financier du marché malgré les caractéristiques de la réception.

Finalement, le juge administratif fait primer la volonté et l’intention des parties sur les documents contractuels fixant la procédure de règlement financier du marché.

Il convient donc aux titulaires et aux maîtres d’ouvrages publics d’être particulièrement vigilants quant aux effets de leurs échanges et de l’absence de possible retour en arrière malgré l’existence d’une procédure irrégulière s’effaçant devant leur intention de ne pas en faire état.

Cabinet Coudray
Guillaume GEFFROY
Publié le 19/12/2023 dans # Veille juridique