28février 2023

Par un jugement n° 2002086 en date du 2 février 2023, le Tribunal administratif de Rennes est venu réaffirmer le contenu et la forme stricte d’un mémoire en réclamation, étape nécessaire avant toute saisine du Tribunal conformément à l’article 50 du CCAG-Travaux.

Pour rappel, dans cette affaire, :

  • Le titulaire du marché alléguait de la naissance d’un décompte général et définitif tacite à la suite de l’inertie du maître d’ouvrage malgré la notification de ses projets de décompte final et décompte général ;
  • La Collectivité contestait cette position en estimant que son décompte général était devenu définitif.

Lors de l’audience, le rapporteur public a considéré, en synthèse, que :

  • Aucun décompte général définitif tacite n’était caractérisé en l’absence de projet de décompte général ;
  • Le décompte général établi par la Collectivité n’était pas devenu définitif en l’absence de preuve de transmission au titulaire ;

Et qu’en conséquence le Tribunal de Céans était saisi par le titulaire du marché de la fixation du solde de son marché en l’absence de décompte général.

Or, si le Tribunal administratif de Rennes suit la première partie du raisonnement, il n’en demeure pas moins qu’il rejette la requête du titulaire au motif de l’absence de mémoire en réclamation respectant la procédure du CCAG-Travaux :

« 6. Il résulte de l’instruction que la société Cruard Charpente et Construction Bois a transmis au maître d’œuvre, le 6 février 2019, un projet de décompte final pour le marché litigieux. Soutenant ne pas avoir reçu de projet de décompte général de la part de la commune de Guern, la société requérante a adressé le 2 septembre 2019 un nouveau projet de décompte au maître d’œuvre. Elle a également transmis ce projet à la commune le 18 octobre 2019. D’une part, les courriers des 6 février, 2 septembre et 18 octobre 2019 se bornent à énoncer les bases de calcul des sommes dont la société requérante demande le paiement au titre du solde du marché litigieux et ne comportent pas l’exposé d’un différend. Ils ne peuvent dès lors être regardés comme des mémoires en réclamation au sens de l’article 50.1.1 du cahier des clauses administratives générales précité. D’autre part, la demande préalable du 27 février 2020, par laquelle la société Cruard Charpente et Construction Bois a réclamé le paiement de la somme de 81 737,18 euros au titre du solde du marché restant dû, ne contient pas les bases de calcul des sommes réclamées. Si ce courrier fait référence aux lettres des 2 septembre 2019 et 18 octobre 2019, ces dernières ne sont pas jointes. Dès lors, la demande préalable du 27 février 2020 ne peut davantage être regardée comme un mémoire en réclamation au sens de l’article 50.1.1 précité.

7. En outre, aucune copie de la demande préalable du 27 février 2020 adressée à la commune de Guern n’a été adressée au maître d’œuvre, de sorte que, en tout état de cause, cette demande ne peut être regardée comme la réclamation préalable, visée à l’article 50.1.1 précité et constituant le préalable obligatoire à la saisine du juge du contrat ».

En effet, si l’action du titulaire en fixation du solde de son marché était recevable en tant que telle, il n’en demeurait pas moins qu’un mémoire en réclamation était nécessaire avant toute action contentieuse (CE, 25 juin 2004, n° 228528).

Mais encore fallait-il que ce mémoire en réclamation soit régulier.

Ainsi, reprenant la jurisprudence antérieure en la matière, le Tribunal considère, en synthèse, que ne peut constituer un mémoire en réclamation régulier celui qui :

  • N’énonce pas de différend ;
  • Ne contient pas de bases de calcul et fait référence à des documents non joints adressés précédemment ;
  • N’est pas adressé en copie à la maîtrise d’œuvre.

La requête du titulaire est donc rejetée pour ne pas avoir respecté la procédure contractuelle – particulièrement rigoureuse – du CCAG-Travaux.

Ce cas d’espèce, particulièrement classique, doit amener les titulaires de marchés publics comme les maîtres d’ouvrages à être particulièrement vigilants sur le solde des contrats de travaux.

Cabinet Coudray
Guillaume GEFFROY
Publié le 28/02/2023 dans # Veille juridique