Le Conseil d’État, dans une décision en date du 1er juin 2023, n° 469268, est venu préciser le point de départ du délai de transmission du projet de décompte final dans le cadre d’une réception « sous » réserves.
Dans ce cadre, la Haute Juridiction précise que l’envoi du projet de décompte final est conditionné à une réception « avec » réserves ou à une décision de levée des réserves en cas de réception « sous » réserves.
En effet, le Conseil d’État fait prévaloir logiquement les effets de la réception « sous » réserves à une décision de réception « avec et sous » réserves des travaux.
Cette décision est à rapprocher d’autres jugements ou arrêts des juges du fond qui ont déjà pu considérer qu’une réception sous réserves empêchait toute transmission du projet de décompte final avant décision de levée des réserves (voir notamment : CAA de BORDEAUX, 1er juin 2022, n° 22BX00102).
Aussi, dans le cadre d’une réception « sous réserves », l’envoi d’un projet de décompte final avant décision de levée des réserves est prématuré et n’emporte pas d’effet sur la procédure de règlement financier du marché. De même, les actes ultérieurs visant à faire valoir un décompte général et définitif tacite – à savoir notamment l’envoi d’un projet de décompte général et d’un mémoire en réclamation en cas d’inertie du maître d’ouvrage (CAA de MARSEILLE, 10 juin 2020, req. n° 20MA00033) – ne peuvent produire leurs effets du fait du non-respect initial de la procédure. Tout contentieux initié par le titulaire serait donc voué à l’échec.
Si cette décision du Conseil d’État n’est pas particulièrement innovante, elle a le mérite de procéder à une lecture précise des dispositions CCAG Travaux relatives aux implications d’une réception « sous » réserves dans le règlement financier du marché et notamment le point de départ du délai de transmission du projet de décompte final du titulaire.
Il est toutefois regrettable que celui-ci n’a pas pris la peine de répondre à une autre interrogation pratique : la décision de levée des réserves par le maître d’ouvrage public doit-elle être expresse ou peut-elle résulter, comme dans le cadre de la réception, de l’inertie du maître d’ouvrage à répondre à la proposition du maître d’œuvre ? Un autre contentieux y apportera sans nul doute une réponse.
En tout état de cause, les maîtres d’ouvrages publics et les titulaires de marchés devront donc être particulièrement précautionneux et avertis quant aux caractéristiques de la décision de réception, « avec » ou « sous » réserves afin d’enclencher au bon moment la procédure de règlement des comptes.