31août 2020

Le Premier ministre est venu préciser les conditions imposées aux préfets dans le cadre de leur pouvoir de dérogation aux normes réglementaires, qui leur a été accordé par un décret du 8 avril 2020.

A l’issue d’un processus d’expérimentation de deux ans, un droit de dérogation a été reconnu aux préfets par le décret n° 2020-412 du 8 avril 2020 dans l’objectif d’accompagner et de faciliter la réalisation de projets publics ou privés.

Contrairement à la résolution d’octobre 2019 des sénateurs en faveur d’un assouplissement des contraintes imposées dans le cadre de l’expérimentation du droit de dérogation, cette généralisation intervient à cadre constant, selon des règles et des conditions identiques à celles appliquées pendant l’expérimentation.

Si l’article 1er du décret précise que le pouvoir de dérogation des préfets est limité aux décisions individuelles relevant de leur compétence, le champ des matières concernées est en revanche très large :

  1. Subventions, concours financiers et dispositifs de soutien en faveur des acteurs économiques, des associations et des collectivités territoriales,
  2. Aménagement du territoire et politique de la ville,
  3. Environnement, agriculture et forêts,
  4. Construction, logement et urbanisme,
  5. Emploi et activité économique,
  6. Protection et mise en valeur du patrimoine culturel,
  7. Activités sportives, socio-éducatives et associatives.

L’article 2 décret du 8 avril 2020 reprend pour sa part les conditions cumulatives que les préfets sont tenus de respecter pour appliquer une dérogation.

D’abord, la dérogation doit faire l’objet d’une décision motivée par un motif d’intérêt général et l’existence de circonstances locales.

Ensuite, elle doit avoir pour effet d’alléger des démarches administratives, de réduire des délais de procédures ou de favoriser l’accès aux aides publiques.

De surcroit, la dérogation doit être compatible avec les engagements européens et internationaux de la France.

Enfin, la dérogation ne doit pas porter atteinte aux intérêts de la défense ou à la sécurité des personnes et des biens, ni une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé.

Entré en vigueur au lendemain de sa publication, le décret du 8 avril 2020 apporte toutefois peu d’élément d’appréciation relatifs aux modalités d’application du pouvoir de dérogation.

La circulaire n° 6201/SG du 6 août 2020 apporte à cet égard des précisions utiles.

 

  1. Tirant le bilan de l’expérimentation, la circulaire constate que le droit de dérogation a permis de concilier des normes aux objectifs différents, d’atténuer des effets de seuil ou encore d’accélérer des procédures administratives.

Pour mémoire, en cours d’expérimentation, le droit de dérogation a essentiellement été utilisé sur des dossiers relatifs à des subventions ou des concours financiers ou relatifs au droit de l’environnement.

Par exemple, le Préfet de Vendée a pu exonérer d’étude d’impact et d’enquête publique un projet éolien pour que ce dernier soit en mesure de respecter les délais d’appel d’offre de la Commission de régulation de l’énergie qui fixe le tarif de rachat de l’énergie produite.

L’annexe 1 de la circulaire dresse une liste non exhaustive des procédures et dispositifs auxquels le préfet peut ponctuellement déroger, comme en matière d’environnement, où elle indique que le préfet peut notamment déroger aux seuils d’autorisation de la nomenclature « loi sur l’eau » pour certains projets de renaturation des cours d’eau.

 

  1. S’agissant des domaines d’intervention exclus du droit de dérogation, la circulaire rappelle que le Conseil d’État a jugé que les dérogations se limitaient « d’une part, aux règles qui régissent l’octroi des aides publiques afin d’en faciliter l’accès, d’autre part, aux seules règles de forme et de procédure applicables dans les matières énumérées afin d’alléger les démarches administratives et d’accélérer les procédures» (CE, 17 juin 2019, n° 421871).

A cet égard, elle souligne que la dérogation peut porter sur une réglementation qui a une incidence sur la sécurité des personnes, des animaux ou des biens, à condition que la dérogation elle-même ne porte pas atteinte à leur sécurité.

 

  1. Par ailleurs, la circulaire apporte des précisions sur le cadre ferme dans lequel s’exerce le droit de dérogation des préfets et insiste sur le caractère cumulatif des conditions tenant à l’existence d’un motif d’intérêt général et de circonstances locales.

La mise en œuvre du droit de dérogation ne peut ainsi se mettre en œuvre qu’au terme d’un bilan coût / avantage et d’une analyse juridique approfondie de la part des préfets.

La dérogation ne doit pas se traduire par une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé, ni contrevenir à des normes de niveau législatif ou constitutionnel, à des engagements européens et internationaux de la France ou à des principes généraux du droit.

A cet égard, l’annexe 2 de la circulaire dresse le cheminement devant être effectué par le préfet préalablement à la mise en œuvre d’une dérogation.

 

Annexe 2 de la circulaire du 6 août 2020 :

Cabinet Coudray Publié le 31/08/2020 dans # Veille juridique