Un bail en l’état futur d’achèvement peut être requalifié en marché public !
Tribunal administratif de Grenoble, 9 novembre 2022, n° 2202198
Un centre hospitalier avait conclu avec une SCI un bail en l’état futur d’achèvement (BEFA) prévoyant la location à l’établissement hospitalier de deux bâtiments A et B existants et d’un bâtiment C à construire, d’une durée initiale de 15 ans et comprenant une option d’achat à compter de la douzième année.
Les bâtiments achevés, le centre hospitalier a refusé d’en prendre possession et de s’acquitter du versement des loyers.
La SCI a saisi le juge des référés aux fins de voir condamner le centre hospitalier à lui verser une provision correspondant aux loyers dus. Elle soulevait de nombreux moyens relatifs notamment au vice du consentement, mais seulement deux d’entre eux retiendront particulièrement notre attention : celui relatif à la passation du contrat, d’une part, et celui relatif au contenu du contrat, d’autre part.
Le tribunal administratif de Grenoble a, en effet, considéré que devait être requalifié en marché public de travaux, soumis à des obligations de publicité et de mise en concurrence, le contrat qui ne se limitait pas à la location d’un bien immobilier, mais comprenait des travaux de construction et d’aménagement destinés à répondre aux besoins définis par le centre hospitalier selon un programme fonctionnel établi par lui.
La dérogation aux obligations de publicité et de mise en concurrence prévue à l’article 30 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 aux termes duquel :
« I. – Les acheteurs peuvent passer un marché public négocié sans publicité ni mise en concurrence préalables dans les cas suivants : () 3° Lorsque les travaux, fournitures ou services ne peuvent être fournis que par un opérateur économique déterminé, pour l’une des raisons suivantes : () b) Des raisons techniques. Tel est notamment le cas lors de l’acquisition ou de la location d’une partie minoritaire et indissociable d’un immeuble à construire assortie de travaux répondant aux besoins de l’acheteur qui ne peuvent être réalisés par un autre opérateur économique que celui en charge des travaux de réalisation de la partie principale de l’immeuble à construire ; () » ne trouvait à s’appliquer, faute de démontrer que la SCI ait été le seul opérateur susceptible de répondre aux besoins du centre hospitalier.
Le tribunal administratif de Grenoble transpose ainsi la jurisprudence désormais bien établie sur la requalification des ventes en l’état futur d’achèvement (VEFA) en marché public dès lors que la personne publique a défini son besoin. Cette définition du besoin étant révélée notamment par l’établissement, à l’initiative de la personne publique, d’un programme fonctionnel ou par l’insertion de prescriptions techniques dans le contrat.
Le tribunal administratif de Grenoble juge, en outre, que les échéances de loyers versées par le centre hospitalier ne sauraient constituer un paiement différé dès lors qu’en payant un surloyer, le centre hospitalier ne procède pas au règlement des travaux réalisés par les entreprises chargées des travaux, mais finance leur coût à la charge de la SCI, maitre d’ouvrage.
Le contrat de BEFA litigieux ne méconnait donc pas la règle de l’interdiction du paiement différé en prévoyant des échéances de loyer correspondant aux couts des travaux financés par le maître d’ouvrage-bailleur.