19novembre 2018

La Loi ELAN remettra-t-elle en cause la récente déclaration de constitutionnalité des dispositions de l’article L. 442-10 du code de l’urbanisme ?

Pour rappel, par un arrêt du 18 juillet 2018, le Conseil d’Etat a invité le Conseil constitutionnel à se prononcer sur la constitutionnalité de l’article L. 442-10 du code de l’urbanisme, aux termes duquel :

« Lorsque la moitié des propriétaires détenant ensemble les deux tiers au moins de la superficie d’un lotissement ou les deux tiers des propriétaires détenant au moins la moitié de cette superficie le demandent ou l’acceptent, l’autorité compétente peut prononcer la modification de tout ou partie des documents du lotissement, notamment le règlement, le cahier des charges s’il a été approuvé ou les clauses de nature réglementaire du cahier des charges s’il n’a pas été approuvé. Cette modification doit être compatible avec la réglementation d’urbanisme applicable.

 Le premier alinéa ne concerne pas l’affectation des parties communes des lotissements.

 Jusqu’à l’expiration d’un délai de cinq ans à compter de l’achèvement du lotissement, la modification mentionnée au premier alinéa ne peut être prononcée qu’en l’absence d’opposition du lotisseur si celui-ci possède au moins un lot constructible. »

La question soulevée concernait le premier alinéa de l’article L. 442-10 du code de l’urbanisme, les requérants l’estimant contraire à la liberté contractuelle et au droit de propriété.

Rappelons que le cahier des charges d’un lotissement est un document de nature contractuelle entre les colotis. Depuis l’adoption du décret n° 77-860 en date du 26 juillet 1977, le cahier des charges n’est plus approuvé par l’administration.

Dans la présente affaire, les requérants contestaient la possibilité pour l’administration de procéder à une telle modification, au détriment des plus petits propriétaires du lotissement.

Le Conseil constitutionnel s’est prononcé dans une décision QPC en date du 19 octobre 2018.

A cette occasion, il a validé la constitutionnalité de cette disposition aux termes de plusieurs considérations :

  • Il s’agit de faciliter l’évolution des règles pour les rendre plus compatible avec la réglementation d’urbanisme, dans un objectif d’intérêt général ;
  • Cette modification ne peut concerner les parties communes ;
  • Seules les règles d’urbanisme sont concernées, et non pas les clauses intéressant les seuls colotis ;
  • Une double majorité est requise ;
  • Cette modification ne peut être acceptée que si elle est compatible avec la réglementation d’urbanisme et si elle poursuit un motif d’intérêt général en lien avec la politique d’urbanisme.

Le Conseil constitutionnel ajoute une réserve : cette modification du cahier des charges ne doit pas aggraver les contraintes pesant sur les colotis sans que cette aggravation ne soit rendue nécessaire pour respecter les documents d’urbanisme en vigueur.

En définitive, le Conseil constitutionnel a considéré que

« les dispositions contestées ne portent pas aux conditions d’exercice du droit de propriété une atteinte disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi » et « ne méconnaissent pas non plus le droit au maintien des conventions légalement conclues » (Conseil Constitutionnel, Décision n° 2018-740 QPC du 19 octobre 2018).

Aujourd’hui, la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (loi ELAN), définitivement adoptée par les sénateurs le mardi 16 octobre 2018, supprime le 2ème alinéa de l’article L. 442-10 du code de l’urbanisme.

Désormais, l’affectation des parties communes pourrait faire l’objet d’une modification par l’autorité administrative, ce qui n’est pas sans poser la constitutionnalité de cette nouvelle disposition au regard du droit de propriété.

En pratique, un changement dans les circonstances de droit ou de fait qui affecte la portée d’une disposition législative permet de reformuler une QPC à l’encontre d’une disposition déjà déclarée constitutionnelle. (Conseil Constitutionnel, Décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009).

Par suite, nul doute que la constitutionnalité de cette nouvelle rédaction de l’article L.442-10 du code de l’urbanisme sera de nouveau soumise à l’examen du Conseil constitutionnel.

 

 

Cabinet Coudray Publié le 19/11/2018 dans # Publications