4avril 2024

 

 

 

L’article L. 1224-3 du code du travail dispose :

« Lorsque l’activité d’une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d’un service public administratif, il appartient à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires.

Sauf disposition légale ou conditions générales de rémunération et d’emploi des agents non titulaires de la personne publique contraires, le contrat qu’elle propose reprend les clauses substantielles du contrat dont les salariés sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération (…) ».

Le contrat proposé par le repreneur public gestionnaire d’un SPA doit donc en principe reprendre les « clauses substantielles » du contrat dont les salariés sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération.

Resté à déterminer selon quelles modalités l’employeur public est tenu de proposer au salarié un nouveau contrat.

C’est la question à laquelle la chambre sociale de la Cour de cassation a répondu dans son arrêt du 6 mars dernier (Soc. 6 mars 2024, FS-B, n° 22-22.315).

Dans cette affaire, une commune avait repris la gestion directe de centres de loisirs précédemment confiée à une association. La commune estimant que la directrice n’était pas titulaire des diplômes exigés pour exercer ces fonctions et refusant de créer un nouveau poste, n’a pas repris son contrat de travail.

La salariée a saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la commune et de demandes indemnitaires. Elle a obtenu gain de cause en première instance comme en appel.

En conséquence, la commune a formé un pourvoi en cassation en développant l’argumentaire suivant :  lorsqu’un salarié ne dispose pas des qualifications ou diplômes exigés par la réglementation, l’employeur public repreneur ne peut être tenu de lui proposer un contrat de droit public à peine de se voir imposer la conclusion d’un contrat irrégulier.

La Cour de cassation avait alors à répondre à la question de savoir si la personne publique est tenue de reprendre le contrat de travail même lorsqu’un salarié ne remplit pas les conditions statutaires pour occuper, dans le cadre du transfert, les mêmes fonctions que celles exercées dans le privé et, le cas échéant, à préciser les obligations du repreneur public.

Réponse et précisions qu’elle a formulées comme suit (nous surlignons) :

“6. Il résulte de l’article L. 1224-3 du code du travail qu’à la suite du transfert d’une entité économique, employant des salariés de droit privé, à une personne publique dans le cadre d’un service public administratif, les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le personnel de l’entreprise et le nouvel employeur qui est tenu dès la reprise de l’activité de continuer à rémunérer les salariés transférés dans les conditions prévues par leur contrat de droit privé jusqu’à ce que ceux-ci acceptent le contrat de droit public qui leur sera proposé, ou jusqu’à leur licenciement, s’ils le refusent ou s’il n’est pas possible pour la personne publique, au regard des dispositions législatives ou réglementaires dont relève son personnel, de maintenir le contrat de travail de droit privé en cours au jour du transfert ou d’offrir à l’intéressé un emploi reprenant les conditions de ce contrat.” 

Il résulte de cet arrêt que le repreneur public peut procéder au licenciement du salarié en respectant les règles de droit du travail :

  • si celui-ci refuse le contrat proposé,
  • ou s’il ne peut :
    • Maintenir le contrat de travail de droit privé pour des raisons d’ordre réglementaire (comme c’était le cas en l’espèce) ;
    • Ou offrir à l’intéressé un emploi reprenant les conditions de ce contrat.

En dehors du cas du refus du contrat par le salarié, deux hypothèses sont ainsi posées.

Or, si la première peut aisément être rapprochée du second alinéa de l’article L. 1224-3 du code du travail précité, la seconde interroge davantage quant à son interprétation.

Si l’application de cette dernière est effectivement distincte de celle de l’impossibilité réglementaire de maintenir le contrat de travail, les employeurs publics repreneurs pourraient être tentés de s’estimer souvent dans l’impossibilité « d’offrir à l’intéressé un emploi reprenant les conditions de ce contrat ».

Entre apport de précisions ou ouverture de la boîte de Pandore, l’arrêt commenté ne manquera assurément pas de donner lieu à d’autres jurisprudences…

Soc. 6 mars 2024, FS-B, n° 22-22.315

Cabinet Coudray
Laura MARIEZ
Publié le 04/04/2024 dans # Veille juridique