15avril 2021

Une récente décision de la haute juridiction administrative vient pondérer le droit au refus d’allouer l’aide au retour à l’emploi (ARE) dans les cas suivants lesquels l’agent contractuel refuserait expressément de voir son contrat de travail renouvelé.

Conseil d’État, n° 428312, 02 avril 2021

Rappelons que comme n’importe quel salarié, l’agent public contractuel peut par principe bénéficier du versement d’une ARE, en conséquence de la fin de la relation de travail le liant avec tout employeur public.

D’un point de vue pratique, à l’expiration du contrat, l’autorité d’emploi délivre alors à l’agent un certificat contenant les mentions suivantes : date de recrutement et date de fin de contrat, fonctions occupées, catégorie hiérarchique et le cas échéant, périodes de congés non assimilées à des périodes de travail effectif[1].

Ce certificat est important, car c’est lui qui permettra secondairement de fonder le versement de l’ARE, si tant est que l’agent y ait droit.

Car tel n’est pas toujours le cas et les refus d’octroi de ladite allocation sont à l’origine d’un important contentieux.

L’ARE constitue un revenu de remplacement au titre de l’assurance chômage.

Le versement de cette allocation est désormais encadré par les dispositions du décret n°2020-741 du 16 juin 2020 relatif au régime particulier d’assurance chômage des agents publics, pris en application de la loi de transformation de la fonction publique[2] et notamment de son article 72.

Ces dispositions, comme celles de l’article L. 5424-1 du code du travail relatives au versement d’une « allocation d’assurance » à certains salariés, au nombre desquels figurent les agents publics, sont fondées sur une notion centrale : celle de privation involontaire d’emploi.

Antérieurement à l’édiction de ces dispositions, il était de jurisprudence constante que les agents à l’origine de leur privation d’emploi, par exemple au titre d’un simple refus de renouvellement de contrat, n’étaient pas éligibles à l’octroi de l’ARE[3].

Le Conseil d’État a toutefois pu récemment préciser que l’absence de diligences visant à retrouver un emploi ne pouvait justifier un refus d’octroi de l’ARE mais tout au plus conditionner le maintien de son versement[4].

Le cadre légal et règlementaire fixe assez clairement les modalités d’octroi de ladite ARE,

Il reste en revanche quelques incertitudes sur la notion de motif légitime justifiant le refus de renouvellement d’un CDD.

Si la condition tirée de la privation involontaire d’emploi ne pose pas de difficultés d’appréciation, il en va autrement de celle permettant d’assimiler la privation d’emploi à une privation involontaire du fait d’un motif légitime.

Le récent arrêt du Conseil d’État en atteste. Ce dernier apporte toutefois d’utiles précisions sur les refus de renouvellement pour un motif d’ordre personnel.

Ainsi, Mme B, employée par les Hospices civils de Lyon, invoquait la nécessité d’assurer seule, du fait d’une récente séparation d’avec son conjoint, la garde de ses deux jeunes enfants, dont un n’était pas scolarisé. Elle faisait en outre valoir que son refus de renouvellement de contrat s’imposait à elle du fait d’un emménagement dans un nouveau domicile distant d’une vingtaine de kilomètres de son lieu de travail.

Dans cette affaire, les juges du Palais Royal ont confirmé qu’il « appartient à l’autorité administrative, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, de déterminer si les circonstances dans lesquelles un contrat de travail à durée déterminée n’a pas été renouvelé permettent de l’assimiler à une perte involontaire d’emploi », ouvrant droit à l’allocation de l’ARE.

Le Conseil d’État a considéré que tel était bien le cas en l’espèce.

Cet arrêt lui donne l’occasion de préciser que cette appréciation doit désormais se faire, en application des dispositions de l’article 3[5] du décret n° 2020-741 du 16 juin 2020, à l’aune de potentielles considérations d’ordre personnel légitimant ce refus ou encore d’une modification substantielle du contrat litigieux, sans justification de l’employeur.

Les employeurs publics doivent prendre en compte ces nouvelles dispositions et procéder à une analyse in concreto des motifs, y compris personnels, du refus de renouvellement  dans les réponses qu’ils apporteront aux demandes d’ARE.

L’arrêt du Conseil d’État apporte un éclairage, mais ne peut en raison de cette approche casuistique guider plus avant les employeurs publics dans leur prise de décision.

Ces décisions restent donc de facto à risque du point de vue juridique pour les employeurs publics. Ces derniers doivent en conséquence se montrer particulièrement vigilants dans la prise en compte de ces situations avant de statuer sur un potentiel refus d’allocation d’ARE.

[1] En application des dispositions de l’article 44-1 du décret n° 96-83 du 17 janvier 1986 pour la FPE, de l’article 40-1 du décret n°91-155 du 06 février 1991 pour la FPH et de l’article 38 du décret n°88-145 du 15 février 1988 pour la FPT.

[2] Loi n°2019-828 du 06 aout 2019 de transformation de la fonction publique

[3] V. ici CE n° 272373, 02 novembre 2005 ; CE n° 364654, 06 novembre 2013 ; CAA n°11LY01935, 13 juillet 2012

[4] CE, n° 405921, 7 février 2020, AJFP 2020. 345

[5] « Sont assimilés aux personnels involontairement privés d’emploi : / 1° Les personnels de droit public ou de droit privé ayant démissionné pour un motif considéré comme légitime au sens des mesures d’application du régime d’assurance chômage mentionnées à l’article 1er ; / 2° Les personnels de droit public ou de droit privé ayant refusé le renouvellement de leur contrat pour un motif légitime lié à des considérations d’ordre personnel ou à une modification substantielle du contrat non justifiée par l’employeur. »

Cabinet Coudray Publié le 15/04/2021 dans # Veille juridique