18mars 2019

Par arrêt en date du 7 mars 2019, le Conseil d’État a reconnu la compétence de l’ordre administratif pour connaître du recours d’un tiers contre les actes permettant de conclure une convention d’occupation d’une dépendance du domaine privé communal. Cette décision publiée au Recueil Lebon marque un peu plus la différence des régimes contentieux relatifs aux conventions portant sur le domaine privé, d’une part, et sur le domaine public, d’autre part.

Dans l’espèce commentée, la commune de Valbonne a mis à disposition de l’association « Musulmans de Valbonne Sophia Antipolis » un local communal pour l’implantation d’une salle de prière.

Le local communal appartenait au domaine privé de la commune et une convention de location a été signée en 2012.

L’association « Bien vivre à Garbejaïre Valbonne » a sollicité et obtenu du Tribunal administratif de Nice l’annulation de la délibération autorisant le Maire à signer cette convention et de la décision du Maire de la signer. La solution a été confirmée en appel.

Les juridictions du fond ont considéré que les dispositions de l’article L. 2144-3 du CGCT relatives à la mise à disposition des locaux communaux ne permettaient pas à la commune de mettre à disposition de façon exclusive et pérenne la salle de prière.

Le Conseil d’État casse l’arrêt de la CAA de Marseille.

Pour la Haute juridiction, les locaux communaux entendus au sens des dispositions de l’article L. 2144-3 du CGCT sont ceux affectés aux services publics communaux, et partant, appartenant au domaine public communal.

Les collectivités restent libres de donner à bail un local existant de leur domaine privé.

Lorsque le bail est consenti au profit d’une association cultuelle, il faut s’assurer que les conditions financières excluent toute libéralité de la commune.

Au-delà de la question de fond, le véritable apport de cette décision est incident et porte sur la compétence de la juridiction administrative. Le Conseil d’État livre un considérant riche d’enseignement :

« Si la contestation par une personne privée de l’acte, délibération ou décision du maire, par lequel une commune ou son représentant, gestionnaire du domaine privé, initie avec cette personne, conduit ou termine une relation contractuelle dont l’objet est la valorisation ou la protection de ce domaine et qui n’affecte ni son périmètre ni sa consistance relève de la compétence du juge judiciaire, la juridiction administrative est, contrairement à ce que soutient la commune de Valbonne, compétente pour connaître de la demande formée par un tiers tendant l’annulation de la délibération d’un conseil municipal autorisant la conclusion d’une convention ayant pour objet la mise à disposition d’une dépendance du domaine privé communal et de la décision du maire de la signer. La commune requérante mais par suite pas fondée à soutenir que la cour administrative d’appel de Marseille aurait commis une erreur de droit en s’abstenant de relever d’office la compétence de la juridiction administrative pour se prononcer sur le recours de l’association ».

En pratique, si un tiers souhaite contester un contrat portant sur l’occupation du domaine privé, il peut solliciter l’annulation de la délibération autorisant le Maire à la signer, ainsi que de la décision du Maire de la signer, auprès du juge administratif.

En cas d’annulation, le juge administratif enjoindra aux parties de procéder amiablement à la résiliation du contrat dans un délai déterminé. A défaut de résiliation amiable, l’une des parties ou les tiers pourront saisir le juge du contrat, à savoir le juge judiciaire, pour en obtenir la résiliation judiciaire.

Cette solution tranche avec le régime contentieux issu de la décision « Tarn-et-Garonne » (CE Ass., 4 avril 2014, Tarn-et-Garonne, n° 358994) applicable aux conventions d’occupation du domaine public (CE, 2 décembre 2015, École centrale de Lyon, n° 386979). Elle confirme la différence de traitement entre les contrats de droit privé et les contrats administratifs.

Pour mémoire, le Conseil d’État a jugé que :

« tout tiers à une convention d’occupation du domaine public conclue sur le fondement de ces dispositions, susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses, est recevable à former, devant le juge du contrat, un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles ; que la légalité du choix du cocontractant ne peut être contestée qu’à l’occasion d’un tel recours, exercé dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées, et qui peut éventuellement être assorti d’une demande tendant, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l’exécution du contrat ».

La Cour administrative d’appel de Paris a précisé « que la légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer ne peut être contestée qu’à l’occasion du recours ainsi défini, qui s’exerce à l’encontre des contrats signés à compter du 4 avril 2014 » (CAA Paris, 29 mars 2018, ville de Paris, n° 16PA01198).

En d’autres termes, les tiers sont irrecevables à former un recours en excès de pouvoir à l’encontre de la délibération autorisant la conclusion du contrat et ainsi que de la décision de le signer.

En définitive, en demande comme en défense, il conviendra d’accorder une vigilance particulière à la nature privée ou publique du domaine objet de la convention en litige pour éviter de passer sous les fourches caudines de l’incompétence.

CE, 7 mars 2019, n° 417629

 

 

Cabinet Coudray
Jean-Éric CORILLION
Publié le 18/03/2019 dans # Publications