12janvier 2024

La Cour d’appel financière créée par l’ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 a rendu son premier arrêt ce 12 janvier 2024 (CAF, 12 janvier 2024, n° 2024-01, Société Alpexpo).

 

Elle avait été saisie par le parquet général près la Cour des comptes contre l’arrêt rendu par la nouvelle chambre du contentieux de ladite Cour le 11 mai 2023 dans une affaire Société Alpexpo dans laquelle étaient en cause des dirigeants de fait ou de droit d’une société publique locale (C. Comptes, ch. du ctx, arrêt n° S-2023-0604, 11 mai 2023, Société Alpexpo).

La Cour d’appel financière rejette l’appel du parquet général, en apportant deux précisions sur le nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics :

D’une part, l’infraction d’avantage octroyé à soi-même est une qualification nouvelle introduite par l’ordonnance du 23 mars 2022 de sorte qu’elle ne peut pas s’appliquer à des faits antérieurs à l’entrée en vigueur de la réforme le 1er janvier 2023. De tels faits ne sont donc désormais punissables que s’ils peuvent être qualifiés de faute grave ayant causé un préjudice financier significatif au sens de l’article L. 131-9 du code des juridictions financières.

D’autre part, et c’est l’aspect selon nous le plus intéressant de l’arrêt, la Cour précise la façon dont s’apprécie le caractère significatif du préjudice financier au sens de ce même article : s’il n’est pas besoin d’établir le montant exact du préjudice, « l’ordre de grandeur doit être évalué avec une précision suffisante pour pouvoir ensuite être apprécié au regard des éléments financiers de l’entité ou du service concerné » (considérant n° 12).

S’agissant plus précisément de la méconnaissance des règles de la commande publique, le préjudice financier ne correspond pas, par principe, au montant des achats conclus irrégulièrement : il faut démontrer que la dépense aurait été moindre si les règles avaient été respectées, et dans quelles proportions.

En pratique, cette preuve risque d’être difficile à apporter, en dehors des cas où l’entreprise retenue se révèle significativement plus chère que ses concurrentes. En cas d’absence pure et simple de mise en concurrence, il faudra démontrer que des offres significativement plus avantageuses auraient pu être faites : reconstitution fictive dans laquelle les autorités de poursuites hésiteront probablement à s’engager.

Cabinet Coudray
Ludovic DUFOUR
Publié le 12/01/2024 dans # Veille juridique