10novembre 2021

Actes de violence, de discrimination, de harcèlement ou d'agissements sexistes dans la fonction publique : un dispositif de recueil des signalements encore trop souvent absent.

Le décret n° 2020-256 du 13 mars 2020 relatif au dispositif de signalement des actes de violence, de discrimination, de harcèlement et d’agissements sexistes dans la fonction publique[1] a introduit un nouveau dispositif de signalement pour les agents qui s’estiment victimes d’un acte de violence, de discrimination, de harcèlement moral ou sexuel ou d’agissements sexistes. Ce texte oblige donc dans le même temps et de manière corollaire les administrations, collectivités territoriales ou établissements publics à mettre en place un dispositif de recueil et de traitement desdits signalements.

Notons que le dispositif de signalement s’adresse aux agents aussi bien victimes que témoins de ces actes.

Ce texte vient compléter les textes des lois n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes et n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Il vient également compléter les dispositions du code pénal et du code de procédure pénale et notamment de son célère article 40, relatif au signalement au procureur de la république[2].

Ces dispositions combinées à celles relatives à la protection de la santé et de la sécurité des agents publics[3], obligent l’administration, les établissements et collectivités publics qui se doivent de mettre en place ce nouveau dispositif. Dans le cas contraire, il est fort probable que de nombreux recours en matière de violence, de discrimination, de harcèlement ou encore d’agissements sexistes mobiliseront des moyens tirés de la carence de l’autorité publique en la matière, comme cela a souvent été le cas vis-à-vis du document unique d’évaluation des risques professionnels.

Il convient donc que les administrations, les établissements et collectivités publics puissent rapidement se mettre en conformité vis-à-vis de ce dispositif, d’une part dans l’intérêt des agents, d’autre part pour se prémunir de ce risque juridique.

Rappelons que le décret du 13 mars 2020 prévoit en son article 8 que « les administrations, collectivités territoriales ou établissements mettent en place le dispositif de signalement régi par le présent décret au plus tard le 1er mai 2020 ».

Eu égard aux risques contentieux, il parait important de revenir brièvement sur ce dispositif encadré par ledit décret.

Pour être efficace, ce texte expose de manière didactique les étapes successives à suivre par l’administration pour traiter les signalements formés :

  • Recueillir les signalements des agents victimes ou témoins. Pour ce faire, l’administration doit privilégier des modes de signalement facilement accessibles comme un numéro de téléphone ou une adresse mail dédiée.
  • Orienter les agents vers les services et professionnels compétents chargés de leur accompagnement et de leur soutien.
  • Protéger l’agent : Les autorités compétentes devront prendre toute mesure de protection fonctionnelle appropriée.
  • Traiter le signalement en réalisant notamment une enquête administrative qui permettra de vérifier la véracité des faits.

Il convient de relever vis-à-vis de cette dernière étape, le renforcement du rôle de l’enquête administrative en la matière. Notons d’ailleurs que le Défenseur des droits a déjà eu l’occasion de rappeler l’importance de l’enquête administrative dans le processus de signalement [4]. Cette dimension doit être prise en compte.

En outre, afin de ne pas mettre les établissements et les collectivités publics et notamment les plus petits d’entre eux en difficulté, le texte prévoit en son article 2 la possibilité d’une mutualisation du dispositif entre plusieurs administrations, collectivités territoriales ou établissement publics. Ce dernier peut également être confié au centre de gestion pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics.

Dans un souci d’efficacité, afin de prévenir ou faire cesser les actes ou agissement dont un agent est victime, l’autorité compétente doit avant tout informer l’ensemble des agents dont elle a la responsabilité de l’existence du dispositif et des procédures mises en place.

Le texte prévoit par ailleurs au titre de cette obligation d’information aux agents ayant signalé des faits, des suites réservées aux signalements que l’administration a reçu.

Le dispositif mis en place doit enfin mentionner les règles de confidentialité instituées pour préserver l’identité de l’auteur du signalement et des personnes visées par ce dernier.

Les obligations de l’employeur public sont donc importantes en la matière. Les carences sont sanctionnables, de nature à engager la responsabilité pour faute de l’administration, des établissements et collectivités publics[5].

L’enjeu est donc important.

Dans le cadre de son activité contentieuse, le cabinet Coudray constate encore souvent l’absence de mise en place du dispositif dans nombre d’établissement et/ou de collectivité public.

Le cabinet reste à leur disposition pour les accompagner dans la mise en place d’un tel dispositif, au service de leur mise en conformité juridique.

Fort de son expérience dans la conduite d’enquêtes administratives, il est également à la disposition des collectivités et autres établissements pour les aider à mettre en place et/ou à conduire ce type d’enquête, le cas échéant.

[1] Pris sur le fondement de l’article 6 quater A de la loi du 13 Juillet 1983 modifiée par la loi n° 2021-829 du 6 Août 2019 de transformation de la fonction publique

[2] « ( …) Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs. »

[3] En application des dispositions des articles L.4121-1 et suivants du Code du travail

[4] Décision du Défenseur des droits n°2021-031 du 26 février 2021

[5] V. ici pour un exemple, antérieurement à la mise en place du dispositif, CAA Paris, 28 mars 2017, n° 16PA03037

Cabinet Coudray Publié le 10/11/2021 dans # Veille juridique