21septembre 2022

Incontournable décision du Conseil d’État du 20 septembre 2022 illustrant la montée en puissance de la Charte de l’environnement dans la jurisprudence administrative.

L’article 1er de la charte constitue une liberté fondamentale invocable au soutient d’un référé liberté.

Placée dans le préambule de la Constitution de 1958, la Charte de l’environnement fait partie du bloc de constitutionnalité et a valeur constitutionnelle. L’article 1er dispose : « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ».

 

Dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, le conseil constitutionnel a reconnu la portée normative de l’article 1er et 2 de la charte dans une décision du 8 avril 2011, n° 2011-116. Il a considéré que le respect des droits et devoirs énoncés en termes généraux par ces articles s’impose non seulement aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leur domaine de compétence respectif mais également à l’ensemble des personnes.

 

Dans son ordonnance du 20 septembre 2022, rendue à l’occasion d’un contentieux né d’une manière assez classique d’une opposition de riverains à des travaux de recalibrage d’une infrastructure routière, le Conseil d’État reconnaît quant à lui que le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, tel que proclamé par l’article premier de la Charte de l’environnement, présente le caractère d’une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.

Le considérant n°5 est aussi l’occasion pour le Conseil d’État de préciser les conditions du référé liberté :

« Toute personne justifiant, au regard de sa situation personnelle, notamment si ses conditions ou son cadre de vie sont gravement et directement affectés, ou des intérêts qu’elle entend défendre, qu’il y est porté une atteinte grave et manifestement illégale du fait de l’action ou de la carence de l’autorité publique, peut saisir le juge des référés sur le fondement de cet article. Il lui appartient alors de faire état de circonstances particulières caractérisant la nécessité pour elle de bénéficier, dans le très bref délai prévu par ces dispositions, d’une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de cet article. Dans tous les cas, l’intervention du juge des référés dans les conditions d’urgence particulière prévues par l’article L. 521-2 précité est subordonnée au constat que la situation litigieuse permette de prendre utilement et à très bref délai les mesures de sauvegarde nécessaires. Compte tenu du cadre temporel dans lequel se prononce le juge des référés saisi sur le fondement de l’article L. 521-2, les mesures qu’il peut ordonner doivent s’apprécier en tenant compte des moyens dont dispose l’autorité administrative compétente et des mesures qu’elle a déjà prises. »

Il sera relevé d’ailleurs que les travaux incluaient la création d’une piste cyclable de sorte que dans cette affaire différents intérêts environnementaux se confrontaient finalement, climat et biodiversité.

Le Conseil d’État ayant décidé de régler l’affaire au fond, l’autre apport de la décision résulte de son analyse sur la condition de l’urgence extrême et caractérisée du référé liberté.

Le Conseil d’État rappelle que le requérant qui saisit le juge des référés sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative doit justifier des circonstances particulières caractérisant la nécessité pour lui de bénéficier à très bref délai d’une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de cet article.

Et malgré les commencement des travaux et l’argument des requérants tiré d’une atteinte à des espèces protégées, il a estimé que la condition d’urgence n’était pas remplie en relevant l’ancienneté des actes ayant permis la réalisation des travaux (délibération du département, déclaration au titre de la loi sur l’eau et autorisation de défrichement) et l’absence de contestation de la part des requérants.

La décision ne permet pas d’ailleurs de savoir si une autorisation de destruction d’espèce protégées aurait été nécessaire nonobstant l’absence de soumission du projet à évaluation environnementale.

Sur les autres conditions, le conseil d’État écarte la condition de l’atteinte grave et manifestement illégale en soulignant que la sensibilité du milieu naturel, notamment biologique était modérée, qu’aucun enjeu de conservation notable n’avait pu être identifié, et que le projet avait été dispensé d’étude d’impact. Il reproche enfin au requérant de ne pas avoir suffisamment démontré le risque d’atteinte irréversible aux espèces.

 

Cabinet Coudray
Raphaële ANTONA TRAVERSI
Publié le 21/09/2022 dans # Veille juridique