Le tribunal administratif de Paris a jugé que le refus par un employeur public de conclure une rupture conventionnelle avec l’un de ses agents est une décision de pure opportunité insusceptible d’être discutée au contentieux, le juge administratif n’exerçant qu’un contrôle minimum en la matière.
La rupture conventionnelle été introduite dans le droit de la fonction publique par la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, dont l’article 72 a mis en place cette modalité de cessation de la relation de travail à titre expérimental pour les fonctionnaires du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2025. Les agents contractuels en CDI peuvent quant à eux en bénéficier de manière pérenne par application de l’article L. 552-1 du CGFP.
Actuellement, ces agents publics peuvent donc bénéficier d’une rupture conventionnelle à condition qu’un accord en ce sens soit trouvé avec leur employeur.
Car c’est en effet là que le bât blesse : d’un employeur public à l’autre, voire au sein d’un même employeur public d’une situation individuelle à une autre, l’attitude et la décision face à une demande de rupture conventionnelle varient fortement. Le taux d’acceptation des demandes de rupture conventionnelle est donc particulièrement variable.
Certains agents publics y voient une forme d’iniquité et peuvent être tentés de contester un refus de conclure une rupture conventionnelle.
Il est légitime de s’interroger sur l’opportunité d’une telle démarche, dès lors que la rupture conventionnelle est, comme son nom l’indique, le fruit de la rencontre des volontés et « ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties » ainsi que l’indique l’article 72 de la loi du 6 août 2019.
Le juge administratif pourrait-il, après l’exercice de son contrôle, enjoindre à l’administration la signature d’une rupture conventionnelle ?
Une première réponse négative à cette question a été apportée par le tribunal administratif de Paris dans un jugement n°2103433 du 31 octobre 2022, qui a jugé que :
« 5. En troisième lieu, saisi d’un refus, par l’administration, de convenir d’une rupture conventionnelle demandée par un fonctionnaire sur le fondement des dispositions du I de l’article 72 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, le juge de l’excès de pouvoir se borne à vérifier que ce refus n’est pas entaché d’incompétence, d’un vice de procédure, d’une erreur de droit ou de fait, et qu’il n’est pas fondé sur des motifs étrangers à l’intérêt du service. En revanche, la décision de conclure une rupture conventionnelle dans l’intérêt du service est une question de pure opportunité insusceptible d’être discutée au contentieux. »
La juridiction a considéré qu’elle ne pouvait opérer qu’un contrôle minimum sur la décision de ne pas conclure une rupture conventionnelle, mais pas davantage, et notamment aucun contrôle portant sur l’appréciation ayant conduit l’administration à refuser de conclure une rupture conventionnelle. La formule utilisée par la juridiction est parfaitement claire : cette décision est « une question de pure opportunité insusceptible d’être discutée au contentieux ».
Il découle nécessairement de cette position qu’un agent public ne peut pas espérer obtenir du juge administratif qu’il enjoigne à l’administration de signer une rupture conventionnelle. Tout au plus pourra-t-il enjoindre au réexamen de la situation, par exemple en cas de vice de procédure (non-respect de l’obligation d’organiser au moins un entretien, non-respect des délais, etc.) ou de refus pris pour des motifs étrangers à l’intérêt du service. Mais l’on peut douter des chances pour un agent public d’obtenir un accord pour une rupture conventionnelle de la part de son employeur dans le cadre d’un réexamen faisant suite à une annulation contentieuse.
Ainsi, à n’en pas douter le contrôle minimum opéré par le juge fera largement perdre son intérêt aux recours dirigés contre des refus de rupture conventionnelle. Mais le jugement du tribunal administratif de Paris est fidèle à la lettre et à l’esprit du texte régissant la rupture conventionnelle, et préserve intégralement la liberté contractuelle qui en constitue le cœur.
Il reste désormais à scruter si d’autres juridictions administratives statueront dans le même sens.
Rappel : le cabinet organise un webinaire sur la rupture conventionnelle le 2 mars 2023 à 9h30 – inscriptions possibles sur cette page