Par un arrêt en date du 4 novembre 2020, le Conseil d’État a tiré les conclusions de la décision du 3 février 2019 de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation confirmant la propriété de l’État sur le « fragment à l’Aigle » provenant de la Cathédrale de Chartres et acquis en 2002 par une société privée.
Pour la genèse de cette affaire, qui débute en 1763 par le démantèlement du jubé de la cathédrale de Chartres, nous vous renvoyons à notre commentaire de l’arrêt du 13 février 2019 de la Cour de Cassation.
En substance, la Cour avait estimé, que dès lors qu’il est établi qu’avant son extraction en 1848, le fragment en cause faisait partie intégrante de la Cathédrale et qu’à cette époque le bâtiment relevait du domaine public immobilier de l’État (car postérieur au décret des biens du clergé mis à la disposition de la Nation pris le 2 novembre 1789), ledit fragment n’avait pu qu’intégrer le domaine public mobilier de l’État en raison de son indéniable intérêt public du point de vue de l’histoire, de l’art et de l’archéologie.
Pour la partie du litige relevant de la compétence du juge administratif, la société Brimo de Laroussilhe, laquelle avait acquis en 2002 le « fragment à l’Aigle », sollicitait du tribunal administratif de Paris l’annulation de la décision du 12 mars 2007 par laquelle le directeur de l’architecture et du patrimoine du ministère de la culture et de la communication avait refusé de lui délivrer un certificat pour l’exportation de ce fragment.
Bien que la société Brimo de Laroussilhe ait dans cette procédure sollicité un sursis à statuer dans l’attente de la décision définitive de l’autorité judiciaire sur la question de la propriété du fragment du jubé gothique de la cathédrale de Chartres, sa demande a été rejetée en 2017 par le Tribunal le 29 juin 2017 dont le jugement a été confirmé en appel le 29 janvier 2019.
C’est donc fort logiquement que le Conseil d’État a confirmé cette dernière décision en jugeant que :
« Il résulte de cette décision définitive du juge judiciaire qui reconnaît le droit de propriété de l’Etat sur ce bien depuis l’intervention du décret de l’Assemblée constituante du 2 novembre 1789 que l’Etat était tenu de rejeter la demande de certificat d’exportation du ” fragment à l’Aigle ” formée par la société Brimo de Laroussilhe. Ce motif, qui n’appelle l’appréciation d’aucune circonstance de fait nouvelle et suffit à justifier légalement le dispositif de l’arrêt attaqué, doit être substitué à ceux sur lesquels la cour s’est fondée ».
Cette décision clôt ainsi une saga patrimoniale et juridique chargée d’histoire.
CE, 4 novembre 2020, n° 429211