Suite à l’adoption de la loi ASAP, le 28 octobre dernier, le Conseil constitutionnel a estimé que les dispositions relatives à la commande publique n’étaient pas inconstitutionnelles. C’est l’occasion de revenir sur les principales évolutions que cette loi, publiée par la suite au JO le 8 décembre 2020, devrait apporter au code de la commande publique.
Le conseil constitutionnel, saisi par soixante députés ( 61 de la Constitution), a estimé que ces dispositions étaient conformes à la Constitution.
En effet, après avoir rejeté la critique tenant à faire constater un cavalier législatif, dès lors que les dispositions relatives à la commande publique, même si sensiblement enrichies, ne sont pas dépourvues de tout lien avec les dispositions du projet de loi qui comprenait des développements en la matière concernant les contrats portant sur des services juridiques, le Conseil estime l’introduction de la dérogation aux règles de publicité et de mise en concurrence en raison d’un motif d’intérêt général conforme puisque :
Cela confirme donc, s’il le fallait, que le fait de déroger aux règles de publicité et de mise en concurrence, n’autorise malgré tout pas l’acheteur à déroger aux principes fondamentaux de la commande publique (DAJ, Les marchés sans publicité ni mise en concurrence préalables, p. 15).
Les juges estiment par ailleurs que la notion de « circonstances exceptionnelles », grâce à laquelle les acheteurs et candidats ou titulaires pourraient espérer bénéficier des dispositions introduites par voie d’ordonnance pour faire face à l’épidémie de COVID-19, ne méconnaît pas l’objectif d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi dès lors qu’il est prévu que ces dispositions ne peuvent être mises en œuvre que lorsqu’il est fait usage des prérogatives prévues par la loi tenant à reconnaître l’existence de circonstances exceptionnelles ou à mettre en œuvre des mesures temporaires tendant à faire face à de telles circonstances. Dans ces conditions, ces circonstances exceptionnelles ne peuvent être que celles définies comme telle par la loi, et doivent affecter les modalités de passation ou les conditions d’exécution d’un marché ou d’un contrat de concession, de sorte que l’expression litigieuse n’est pas inintelligible, ne traduit pas l’existence d’une incompétence négative, et ne méconnait aucune exigence constitutionnelle.
Enfin, s’agissant des dispositions autorisant les acheteurs à se dispenser temporairement des règles de publicité et de mise en concurrence préalable pour les marchés de travaux dont la valeur estimée du besoin est inférieure à 100 000 euros hors taxes, le Conseil estime que ce faisant le législateur a entendu faciliter la passation des seuls marchés publics de travaux afin de contribuer à la reprise de l’activité dans le secteur des travaux publics touché par les conséquences de la crise née de l’épidémie de COVID-19. Or dans la mesure où la durée de cette dispense est limitée (et ainsi proportionnée au but d’intérêt général poursuivi par le législateur), et qu’elle n’exonère pas les acheteurs publics du respect des exigences constitutionnelles d’égalité devant la commande publique et le bon usage des deniers publics, ces dispositions ne méconnaissent pas le principe d’égalité devant la commande publique (Cons. Const., 3 dec. 2020, n° 2020-807 DC).
Pour autant, d’autres dispositions n’ont pas échappé à la censure des Sages de l’aile Montpensier. Il est ainsi quelque peu regrettable que ces censures n’ait pas donné l’occasion au législateur de reprendre une partie des dispositions de la loi, ce qui aurait pu être l’occasion, en matière de commande publique notamment de prendre acte de la récente décision du Conseil d’État qui, faisant application de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne, a constaté l’incompatibilité des dispositions nationales relatives aux exclusions de plein droit (v. L’incompatibilité de la réglementation nationale sur les exclusions de plein droit).