Ce 2 décembre 2022, le Conseil d’État a rendu deux importantes décisions en matière de mise en concurrence du domaine public et du domaine privé. La haute juridiction administrative a précisé les modalités de son contrôle de l’obligation de publicité et de mise en concurrence préalablement à la délivrance d’un titre d’occupation du domaine public à un opérateur économique agissant sur un marché concurrentiel, que ce titre soit contractuel ou unilatéral, mais aussi ces mêmes exigences s’agissant de la gestion du domaine privé d’une personne publique, à l’aune de la jurisprudence Promoimpresa de la CJUE.
Voir notre article sur l’arrêt relatif au domaine public
Par un arrêt rendu le 2 décembre 2022, le Conseil d’État apporte un précieux éclairage sur la question de la mise en concurrence de l’occupation du domaine privé des personnes publiques.
Pour mémoire, une réponse ministérielle du 29 janvier 2019 avait semé le trouble sur cette question, en invitant les autorités gestionnaires du domaine privé à mettre en œuvre des procédures similaires à celles qui prévalent pour le domaine public et qui sont précisées par les articles L. 2122-1-1 et suivants du CG3P.
Au cas d’espèce était sollicitée la résiliation ou l’annulation du contrat de bail emphytéotique portant sur l’hôtel du Palais signé entre la commune de Biarritz et la société Socomix.
Le Conseil d’État devait déterminer si la conclusion de ce bail emphytéotique devait ou non être précédée d’une procédure de sélection préalable.
Plus précisément, il devait répondre à la question suivante : un bail emphytéotique conclu sur le domaine privé doit-il être regardé comme délivrant une autorisation pour une activité, disponible en nombre limité ?
En cas de réponse affirmative, la conclusion du bail emphytéotique entrerait dans le champ d’application de l’article 12 de la directive « Services ».
Le Conseil d’État répond par la négative en mobilisant à nouveau la notion d’autorisation au sens de cette directive.
La Haute juridiction considère en effet que la conclusion de baux par des personnes publiques sur leur domaine privé ne constitue pas une autorisation pour l’accès à une activité de service ou à son exercice au sens du 6° de l’article 4 de la directive.
Ce faisant elle suit une nouvelle fois les conclusions de la rapporteure publique, Céline Raquin, laquelle proposait de retenir une approche stricte de la notion d’autorisation.
En présence d’un titre d’occupation du domaine privé, le juge administratif devra ainsi contrôler si en donnant à bail un immeuble du domaine privé à une entreprise privée ou à un commerçant, une personne publique délivre, ce faisant, une autorisation d’exercice de l’activité en cause ou si elle agit comme le ferait n’importe quel propriétaire privé.
Le plus souvent, la personne publique agira comme un propriétaire privé de sorte que la question de l’application de l’article 12 de la directive et, partant, du critère de rareté ne se posera pas.
Hormis les rares cas où les gestionnaires du domaine feraient usage de prérogatives de puissance publique dans l’octroi d’un bail ou d’une autorisation, aucune obligation de procédure de sélection préalable ne s’impose en matière d’occupation du domaine privé.
CE, 2 décembre 2022, n° 460100