23mai 2023

 

 

 

Alors que la nouvelle chambre du contentieux de la Cour des comptes vient de rendre son premier arrêt (Cour des comptes, arrêt n° S-2023-0604 « Société ALPEXPO » du 11 mai 2023, voir notre actualité ici), il peut être utile de rappeler un aspect méconnu de la responsabilité financière des gestionnaires publics.

Lorsque l’État, une collectivité locale ou un établissement public a été condamné par une juridiction à payer une somme d’argent, il doit s’exécuter dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de justice (cf. art. 1er de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980).

À défaut, le créancier peut demander le mandatement d’office à l’autorité compétente (pour les collectivités locales, le préfet du département ; pour les établissements publics de santé, le directeur général de l’ARS, cf. CSP, art. L. 6145-3).

Toutefois, en cas d’inertie de cette autorité, le créancier d’une administration se retrouve démuni : les voies d’exécution civiles ne sont en effet pas applicables, en raison du principe d’insaisissabilité des biens publics. Autrement dit, il n’est pas possible « d’envoyer les huissiers » (désormais « commissaires de justice ») à une administration indélicate ou négligente.

Mais le manquement à l’obligation de payer dans le délai imparti constitue également une infraction financière prévue à l’article L. 131-14 du code des juridictions financières (anciennement L. 313-12).

Cette infraction est punie de l’amende de droit commun : jusqu’à 6 mois de rémunération annuelle, à la date de l’infraction, de la personne sanctionnée, en application des dispositions de l’article L. 131-16 du même code.

Cette infraction présente par ailleurs deux particularités :

  • D’une part, le créancier a qualité pour déférer lui-même les faits au ministère public près la Cour des comptes (CJF, art. L. 142-1-1, 12°),
  • D’autre part, les élus locaux sont, par exception, justiciables de la Cour des comptes (CJF, art. L. 131-4).

Bien que les poursuites aient été extrêmement rares devant la défunte Cour de discipline budgétaire et financière, la publicité donnée par la Cour des comptes au nouveau régime de responsabilité ainsi que l’ouverture d’une plateforme de signalement sur son site appellent à une vigilance accrue dans l’exécution des décisions de justice.

Il ne s’agit, après tout, que de respecter l’état de droit : si, selon l’adage, il est permis de maudire ses juges, il n’est en revanche pas admissible de tenir pour rien la chose jugée.

Cabinet Coudray
Ludovic DUFOUR
Publié le 23/05/2023 dans # Veille juridique