23mars 2023

Un récent arrêt du Conseil d’État portant sur la responsabilité disciplinaire d’un agent public souffrant de troubles mentaux fournit l’occasion de revenir sur la prise en compte de la santé mentale dans l’action disciplinaire.

Dans un arrêt n° 450852 du 17 février 2023, le Conseil d’État a confirmé la révocation d’un agent public pour des propos agressifs, déplacés et dégradants à l’égard de ses collègues, et ce malgré le moyen soulevé par le requérant – certificat médical à l’appui – selon lequel son état de santé mentale le rendait irresponsable de ses actes ou à tout le moins justifiait qu’une sanction moins lourde soit appliquée.

Après avoir constaté la matérialité des faits et leur caractère fautif, le Conseil d’État a jugé :

« 13. D’autre part, si M. D… soutient que son état de santé mentale le rendait irresponsable de ses actes, à l’instar de ce qui avait été déjà constaté à l’occasion de la précédente procédure de révocation engagée par la région Languedoc-Roussillon en 2008, lors de laquelle un rapport d’expertise psychiatrique avait conclu à son irresponsabilité au moment des faits qui lui étaient alors reprochés, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des documents fournis par l’intéressé, que son état de santé mentale, pour la période d’avril à septembre 2016, faisait obstacle à ce qu’une sanction soit prononcée en raison des manquements en cause».

« 14. Dans ces conditions, eu égard à la gravité des faits reprochés, lesquels sont au demeurant survenus alors que la région avait donné en 2014 à M. D… la possibilité de reprendre une activité professionnelle au sein de la fonction publique territoriale en décidant de ne pas mettre en œuvre la première sanction de révocation prise en 2008, et compte tenu de ce que l’état de santé mentale de M. D… n’était pas de nature à altérer son discernement au moments des faits en cause, l’autorité disciplinaire n’a pas, en l’espèce, pris une sanction disproportionnée en décidant de prononcer la révocation de l’intéressé ».

Ces deux considérants mettent en évidence de manière claire les deux hypothèses dans lesquelles l’état de santé mentale d’un agent public est susceptible d’impacter la réponse disciplinaire de l’employeur :

  • En cas d’abolition du discernement au moment des faits fautifs, alors l’autorité disciplinaire ne peut pas prononcer de sanction dès lors que l’agent doit être considéré comme irresponsable de ses actes ;
  • En cas d’altération du discernement au moment des faits fautifs, alors l’autorité disciplinaire peut prononcer une sanction puisque l’agent est responsable de ses actes, mais elle doit tenir compte de l’altération du discernement pour choisir une sanction proportionnée.

Une telle solution n’est pas nouvelle, puisque le Conseil d’État a déjà pu juger qu’une maladie mentale était de nature à rendre un agent public irresponsable disciplinairement (CE, 2 juillet 1980, n° 14018), ou bien plus récemment que l’altération du discernement devait être prise en compte dans l’appréciation de la proportionnalité d’une sanction (CE, 15 octobre 2020, n° 438488).

Cette décision du 17 février 2023 a toutefois le mérite de rappeler les deux cas dans lesquels l’état de santé mentale d’un agent public est susceptible d’exercer une influence sur l’action disciplinaire.

En outre, la solution dégagée dans cette décision démontre l’attention précise portée par la Haute Juridiction aux faits de l’espèce.

Ainsi, le Conseil d’État a eu une appréciation des faits différente de celle de la cour administrative d’appel de Marseille qui avait jugé qu’eu égard à l’altération de l’état de santé mentale de l’agent, la sanction de révocation était disproportionnée. En examinant précisément la chronologie des faits et en la confrontant aux éléments médicaux produits par l’agent, le Conseil d’État en a déduit qu’au moment des faits il n’existait ni abolition ni altération du discernement (sur ce point la lecture des conclusions du rapporteur public, M. Hoynck, est éclairante).

À la lumière de cet arrêt, l’attention des acteurs du secteur public, agents comme employeurs, doit donc être attirée sur la rigueur avec laquelle il convient d’examiner les éléments relatifs à la santé mentale dans le cadre d’une action disciplinaire, leur impact sur la procédure disciplinaire et le choix de sanctionner ou non pouvant être déterminant.

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Cabinet Coudray
Sébastien DUGUÉ
Publié le 23/03/2023 dans # Veille juridique